Jacopo Torriti, mosaïque, Nativité, 1295, Santa Maria Maggiore, Rome
Extrait de la conférence initulée «Les trois principes divins» dans le livre
"Messages de Noël" - Édition EAR (1995)
Bâle, le 26 décembre 1921
Le texte original est paru dans le cycle de conférences suivant de Rudolf Steiner:
GA209 - Les forces cosmiques et la constitution de l'homme * Le mystère de Noël
Éditions anthroposophiques romandes (1985)
Traduction : Béatrice et Anselm Steiner
Note de la rédaction : Les titres intercalaires sont de la rédaction. Ils n'existent ni dans l'ouvrage dont cet extrait de conférence est issu, et encore moins dans la conférence. |
Noël n’est fêté que depuis l’an 354. Pour quelles raisons ?
(...) Pendant des siècles, la fête de Noël fut pour la chrétienté la fête de la plus grande commémoration. Et quand on pense à cette commémoration, elle évoque en nous les sentiments et les sensations qui se rattachèrent à Noël au cours de ces siècles. N'oublions pas que cette fête resta ignorée du christianisme jusqu'au IVe siècle et que c'est en ce IVe siècle, dans la Rome de l'an 354 que le monde chrétien s'acquitta pour ainsi dire d'un tribut significatif à l'histoire en instituant la fête de la naissance de Jésus. Les raisons d'un tel tribut, à cette époque-là, sont à chercher dans les instincts chrétiens même de l'histoire de l'humanité.
Les peuples nordiques font irruption dans l'histoire de l'Europe du sud. Tout le sud de l'Europe, les régions romaines et les régions grecques connaissent à ce moment-là encore des pratiques païennes fort répandues. C'est également le cas en Afrique du Nord, en Asie Mineure, enfin, partout où aura lieu une implantation progressive de la pensée chrétienne et des sentiments chrétiens. Mais le christianisme n'avait pas pour vocation d'être un courant sectaire pour telle ou telle population. Et quelque différentes que soient les choses qui s'opposèrent à lui intérieurement comme extérieurement, sa vocation première était de devenir pour tous les êtres. humains une nourriture pour l'âme et pour le cœur.
Or ces populations païennes du Nord et du Sud connaissaient encore cette conscience religieuse qui associait les forces divines aux astres, la force la plus puissante étant le soleil. Et il y avait dans cette vision païenne l'idée qu'au moment du solstice d'hiver, où la terre connaît les jours les plus courts, on approchait en même temps de cette période où le soleil recommençait à développer sa force triomphante pour toute la fécondité de la terre. Cette sensation d'une terre ne dépendant que d'elle-même, d'un isolement de la terre par rapport aux puissances cosmiques divines, cette sensation en quelque sorte de solitude de la terre dans l'univers faisait place au moment même du solstice d'hiver à une sensation d'espoir: les effets bienfaisants de la lumière et de l'amour arrivaient de nouveau de la région du soleil pour réveiller tout ce que la terre a de fécond.
La manière dont l'être humain vivait son propre être psychique était intimement liée à cette sensation, car dans ces anciennes religions païennes justement, il se sentait intimement lié à la terre; il se sentait en quelque sorte comme un membre de la terre; il sentait que la vie de la terre se prolongeait dans sa propre vie. Et quand, en été, la terre recevait les actions de la chaleur et de la lumière, qui étaient alors au plus fort, l'homme se sentait comme adonné à cette région d'où descendaient vers la terre les rayons chauds et lumineux du soleil. Pendant cette période du plein été, l'homme se sentait adonné à l'univers. Au moment du solstice d'hiver, en échange, c'est à la terre qu'il se sentait intimement lié, à tout ce que la terre avait préservé de la période riche en lumière et en chaleur de l'été. Auparavant, l'homme se sentait en quelque sorte seul avec la terre dans l'univers, puis quand arrivait le solstice d'hiver, il sentait que revenait le spirituel divin dans la région de la terre.
Ainsi l'homme concrétisait-il dans la fête de ce solstice ce qui, dans ses sensations, dans son psycho-spirituel, l'avait le plus intimement uni à l'univers cosmique. Et, rencontrant dans cette fête ce que les païens avaient de plus cher, il ne pouvait en aller autrement pour le christianisme que de leur offrir, en cette fête de solstice, ce à quoi il tenait lui-même le plus: le tournant qui avait eu lieu entre l'Ancien et le Nouveau Testament, la commémoration de la naissance de Jésus étant devenue ce que le christianisme avait de plus cher, de plus important.
La perte de la sagesse des origines. L’amour s’installe à la place de la sagesse.
Comment comprendre ces mots qui exprimaient, pour le fidèle de l'Ancien Testament, tout le mystère de l'existence humaine et son rapport avec la mort: lorsque l'âme franchit le seuil de la mort, elle emprunte un chemin qui la ramène auprès des Pères? - Cela traduit un désir de rejoindre les Pères, un sentiment cher à ceux qui croyaient à l'Ancien Testament. Et ce regard porté vers la communauté des Pères se transforma, au cours des quatre premiers siècles du christianisme, en un regard vers la naissance de cette Entité qui réunit la chrétienté. Ce sentiment propre à l'Ancien Testament se transforma en un regard vers Nazareth ou Bethléem, en un regard sur la naissance de l'enfant Jésus.
En instituant la fête de Noël au IVe siècle de l'ère chrétienne, le christianisme avait donc en quelque sorte apporté son tribut à la communauté des hommes sur la terre, liant à cette fête de Noël ce qu'il avait de plus cher. Et en poursuivant l'évolution que cette fête a connue depuis, nous voyons les cœurs s'imprégner d'amour pour l'enfant Jésus à l'approche de Noël, chez les chrétiens. Ce dévouement aimant révèle, dans l'histoire du christianisme depuis le IVe siècle, quelque chose de particulier. C'est pour cela qu'il nous faut vraiment regarder avec une compréhension profonde cette institution de la fête de Noël le 25 décembre, aux environs du solstice d'hiver. Car dans la Rome de l'an 353 encore, non seulement la fête de la chrétienté ne se fêtait pas le 25 décembre mais il ne s'agissait pas d'une commémoration de la naissance de Jésus de Nazareth ou de Bethléem. C'est le 6 janvier que l'on célébrait cette fête, et par cette dernière ou voulait commémorer le Baptême par Jean-Baptiste dans le Jourdain; c'était la fête de commémoration du Christ. Et à cette commémoration, on associait la représentation que l'Entité extraterrestre du Christ s'était unie depuis les mondes célestes à l'être humain qu'était Jésus de Nazareth, dans le Baptême par Jean-Baptiste dans le Jourdain.
C'est cette naissance inhabituelle, cette descente de l'entité du Christ venant sur terre pour renouveler l'existence terrestre, que l'on fêtait. En ce jour de l'apparition du Christ, en ce jour de mystère, on voulait prendre conscience que le ciel s'était uni à la terre, que l'humanité, grâce à cette intervention céleste, avait reçu une nouvelle impulsion pour son développement. A l'époque du Mystère du Golgotha, et un certain temps après, on était encore capable de comprendre la venue, depuis les cieux, d'un Être supraterrestre dans l'existence terrestre. Cette époque connaissait encore les résidus d'une sagesse ancienne originelle, qui permettaient de s'élever jusqu'à la compréhension d'un fait que l'on ne pouvait connaître que dans le suprasensible. L'ancienne connaissance instinctive, la sagesse originelle que l'humanité avait reçue lors de sa venue sur terre comme un cadeau des dieux, cette sagesse antique échappait progressivement à l'humanité. Elle s'atténua de plus en plus au fil des siècles. Mais à l'époque du Mystère du Golgotha, sa présence était encore assez forte pour que l'on puisse comprendre la grandeur de ce qui était arrivé avec le Mystère du Golgotha.
Cette sagesse qui permettait donc au cours des premiers siècles de comprendre le Mystère du Golgotha, cette sagesse, au IVe siècle de l'ère chrétienne, était pratiquement éteinte. Et il faut voir d'un autre côté que face à un monde païen, il n'était désormais plus possible d'accéder à une compréhension du profond mystère que représente l'union du Christ à l'homme Jésus. En d'autres mots, le Mystère du Golgotha cessait d'être accessible au regard de l'âme humaine. Et cela demeura ainsi au cours des siècles suivants. La sagesse originelle avait échappé à l'humanité. Elle devait lui échapper; parce que la présence de cette sagesse originelle aurait empêché l'homme de conquérir sa liberté, il n'aurait jamais pu se rendre indépendant. Il fallait en quelque sorte que l'homme s'enfonce quelque temps dans les ténèbres pour conquérir librement sur ces ténèbres les forces originelles de son individualité propre. Mais à la place de la sagesse avec laquelle on accueillait dans le monde chrétien le Mystère du Golgotha, tant qu'on pouvait encore le comprendre, et qui permit de discuter de ce mystère d'une certaine manière. l'instinct chrétien avait mis autre chose.
Aujourd'hui, le monde chrétien n'a plus qu'une compréhension limitée de ces discussions fondamentales qui avaient lieu au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, chez les Pères de l'ancien christianisme, sur la question de l'union de deux natures, la nature divine et la nature humaine dans la personnalité de Jésus de Nazareth. Cette chose dont on parlait au cours des premiers siècles chrétiens, avec une sagesse vivante, finit par tomber dans des abstractions vides. Et de cette ardeur sainte avec laquelle on voulait comprendre comment le divin et l'humain s'étaient unis dans le Mystère du Golgotha, de cette ardeur sainte, il ne reste que peu dans le monde occidental chrétien. Mais l'impulsion chrétienne est une impulsion forte. Et c'est ainsi que l'amour s'installa à la place de la sagesse avec laquelle était accueilli le Mystère du Golgotha à l'époque où il illuminait la terre. Et il est admirable de voir la grandeur de cet amour qui se manifesta au cours des siècles chrétiens à l'égard du petit enfant Jésus couché dans la crèche. Il est admirable de voir cet amour s'exprimer dans les Jeux de Noël des siècles passés du christianisme.
La perte du sentiment qui différencie le principe Père de celui du Fils
Celui qui réfléchit à tout cela comprendra à quel point la fête de Noël représentait une fête de commémoration. Il comprendra que de la même manière que les fidèles de l'Ancien Testament voulaient être rassemblés auprès de leurs Pères dans la sagesse, les hommes des débuts du christianisme voulaient être rassemblés à Noël autour de la crèche en donnant tout ce qu'ils avaient de meilleur, en donnant leur amour à l'enfant innocent. Mais qui pourrait nier que cet amour qui allait vers ce qui fut à l'origine du christianisme et qui jaillissait de tant de cœurs, s'est aujourd'hui plus ou moins transformé en une habitude! Qui pourrait nier que nous vivons une époque où la fête de Noël ne revêt plus ce caractère vivant qu'elle avait jadis! Mais, même dans les temps les plus récents encore, cet amour consacré à la fête de Noël présente quelque chose de très important car les hommes qui restent liés à l'Ancien Testament cherchent par cet amour à retourner à leur origine. Ils veulent être réunis auprès de leurs Pères. Les chrétiens, pour leur part, veulent se tourner vers la nature originelle de l'homme par la fête de la naissance de Jésus. Et c'est cet instinct chrétien qui lia la fête de Noël à l'origine de l'homme sur terre, faisant précéder l'anniversaire de Jésus du jour d'Adam et Eve le 24 décembre. Et en dernier lieu, c'est à partir d'un profond instinct qu'on associa à la fête de Noël le symbole de l'arbre du Paradis[1]. 226
Nous regardons donc d'une part vers l'étable de Bethléem, avec l'enfant couché entre les animaux, devant sa mère bénie, nous contemplons là le symbole céleste de l'origine de l'humanité. Et d'autre part, les sentiments qu'éprouvait l'humanité lui imposèrent de se tourner vers l'origine terrestre de l'homme, par le symbole de l'arbre du Paradis. C'est ainsi qu'elle associa à la crèche l'arbre du Paradis, comme la Légende Dorée[2] avait déjà associé l'origine de l'homme sur terre au Mystère du Golgotha; cette légende qui disait que le bois de l'arbre du Paradis s'était miraculeusement transmis de génération en génération jusqu'à l'époque du Mystère du Golgotha, et que la croix du Calvaire où avait été cloué le Christ, était faite du même bois que celui de l'arbre du Paradis. Nous voyons donc dans la légende, l'association des origines céleste et terrestre de l'homme.
Mais toutes ces associations ont contribué à effacer le propre du sentiment fondamental chrétien. Et qui irait se dissimuler que l'humanité actuelle n'a plus de dispositions pour voir comment on peut vénérer la divinité dans le Père tout en admettant à son côté le principe divin du Fils! Le fait de sentir différemment Dieu le Père et Dieu le Fils s'est plus ou moins perdu chez les hommes, et cela jusque dans la théologie moderne éclairée. Et c'est parce que le sentiment de cette distinction s'est perdu que des théologiens contemporains réputés ont pu avancer cette vue selon laquelle le Fils n'a au fond pas du tout sa place dans les Évangiles, que seul le Père y a sa place; Jésus de Nazareth n'étant qu'un grand maître, un grand prophète de Dieu le Père. Quand on parle aujourd'hui du Christ, c'est certes avec quelques réminiscences de tout ce qui se rattache à l'histoire sainte du Christ; mais on ne ressent plus d'une manière claire et distincte la présence de Dieu le Fils d'une part et de Dieu le Père de l'autre.
Lors de l'irruption du Mystère du Golgotha dans le développement de l'humanité sur terre, ce sentiment au contraire était encore très vivant. Le Christ naquit en Jésus de Nazareth, là-bas en Asie, en un lieu auquel Rome portait peu d'intérêt à cette époque-là. Il représentait pour les premiers chrétiens un Être divin qui avait pénétré dans l'âme d'un homme, comme cela ne s'était encore jamais produit et ne se produirait plus jamais. Ainsi, cet événement unique qui s'était produit au temps du Golgotha, cette pénétration unique de l'âme d'un homme par un Être divin, par le Christ, donne-t-il un sens à l'histoire de l'humanité sur terre; la période antérieure au Golgotha connut l'attente de cet événement, puis il y eut l 'accomplissement de tout ce qui devait s'ensuivre de cet événement.
Le dieu romain siégeant à Rome et le dieu cloué à la croix du Golgotha. Deux principes.
Cela se déroulait là-bas en Asie. A Rome pendant ce temps régnait César Auguste. On n'a plus une idée très claire aujourd'hui de ce que César Auguste représentait sur le trône romain; il était là comme la divinité incarnée. L'empereur romain était lui-même un dieu avec un visage humain. Quelle différence de conception! Un dieu siégeant sur le trône romain et un dieu, là-bas, sur le Calvaire du Golgotha! En quoi consiste cette différence? Prenons César Auguste, ce dieu qui, d'après la vision de ses adeptes, d'après les lois de l'État romain, s'était incarné dans un homme. Être divin, il était descendu sur terre. Les forces divines s'étaient unies aux forces génitrices, au sang, ce sang dans lequel vit et agit la force divine descendue sur terre. C'est à peu près de cette manière que l'on peut résumer les différentes représentations qu'on se faisait de la présence d'un être divin sur terre. Il n'en allait pas ainsi chez le peuple juif dont le Dieu était ressenti comme restant dans l'au-delà. Mais ailleurs, on se représentait un dieu lié aux forces du sang, et on en voit le reflet dans ces mots: Ex deo nascimur. Les hommes, même les plus pauvres, en tiraient le sentiment d'être apparentés à ce qui vivait au plus haut de l'humanité, dans la personnalité de César Auguste. Mais retenons que toute cette vénération allait au principe divin du Père, parce que celui-ci vivait dans le sang qui avait été donné à l'homme lorsque ce dernier était venu au monde.
Dans le Mystère du Golgotha, l'entité divine du Christ s'unit à l'homme Jésus de Nazareth et non plus au sang. Elle s'unit aux forces les plus nobles de l'âme humaine, aux forces aspirant au suprême. Par cette union d'un Dieu à un homme, l'humanité fut arrachée à une chute dans les seules forces terrestres et matérielles.
Dieu le Père vit dans le sang, Dieu le Fils vit dans le psycho-spirituel de l’être humain. C'est par Dieu le Père que l'être humain est conduit dans une vie matérielle: Ex deo nascimur. C'est par Dieu le Fils qu'il est reconduit hors de la vie matérielle. Dieu le Père conduit l'homme du suprasensible dans le sensible, Dieu le Fils le reconduit du sensible dans le suprasensible: In Christ morimur. - On ressentait très distinctement ces deux principes, le principe de Dieu le Fils s'étant ajouté à celui de Dieu le Père.
Immortalité et « innatalité ». Les trois principes.
D'autres raisons encore doivent être prises en compte si l'on veut s'expliquer la perte de cette distinction entre Dieu le Père et Dieu le Fils, qu'a connue l'histoire des hommes. Ces raisons sont restées vivantes jusqu'à nos jours dans le monde chrétien. A l'époque de la sagesse originelle, les êtres humains avaient la conviction d'être descendus des hauteurs spirituelles divines dans le monde physique. Pour ceux qui étaient initiés à cette sagesse, la préexistence était déjà chose acquise. La naissance, c'est-à-dire la conception était considérée comme l'aboutissement d'un chemin descendant des mondes spirituels que l'âme quitte pour entrer à la naissance dans l'existence physico-sensible.
Prenez notre langage. II existe un mot pour exprimer l'immortalité, mais il n'en existe pas pour cette autre face de l'éternité que serait l' «innatalité». Pourtant, si l'on ne veut pas limiter l'idée d'éternité, il est nécessaire de pouvoir faire appel à un mot comme «innatalité» aussi bien qu'à un mot comme «immortalité». Je dirais même que l'idée qui recouvre le concept d'innatalité est pour l'homme plus profonde que celle qui peut être contenue dans celui d'immortalité. Car, s'il est vrai que l'homme commence une vie au-delà du seuil de la mort dans le monde spirituel, il n'est pas moins vrai que cette vie nous est souvent annoncée aujourd'hui d'une manière extrêmement égoïste. Les hommes vivent ici sur terre, aspirent à l'immortalité et ne veulent pas que la mort les fasse plonger dans le néant. Et il suffit de jouer sur cet instinct égoïste des hommes en leur parlant d'immortalité!
Essayez un peu de prêter attention à la manière dont on se sert des impulsions égoïstes des hommes, dans de nombreux discours ecclésiastiques, pour amener devant leur âme cette idée d'immortalité. Une telle spéculation sur les impulsions égoïstes des hommes n'aurait pas de prise si on parlait d'innatalité. Car l'égoïsme des hommes ne peut pas leur faire désirer d'avoir connu un monde spirituel avant leur naissance, avant leur conception, autant qu'ils désirent connaître un monde spirituel après la mort. Il leur suffit de savoir qu'ils existent. A quoi bon se soucier de savoir d'où l'on vient? Mais, savoir où l'on va, voilà de quoi occuper leur égoïsme! L'innatalité n'aura pour l'être humain cette importance que revêt aujourd'hui l'immortalité que le jour où nous approcherons d'une sagesse sans égoïsme.
Dans les temps anciens cependant, on avait créé ce lien entre ces deux aspects. En descendant par la naissance de mondes spirituels, que l'on reconnaissait à cette époque, on reliait alors l'environnement purement spirituel des mondes spirituels divins au sang humain dans lequel l'homme trouvait sa continuité; cela donnait l'idée de « Ex deo nascimur ». Lié au sang, Dieu le Père est donc ce dieu que le physique de l'homme concrétise.
Autre pôle de la vie, la mort exige de la vie psychique une impulsion de nature différente. Elle présuppose la présence dans l'homme de quelque chose qui ne s'épuise pas avec la mort. Et cela seul peut donner une conception du divin, comprenant le passage du physico-terrestre au suprasensible, au supraphysique, tel que nous le trouvons dans le Mystère du Golgotha. Le principe divin du Père comprit toujours le passage du suprasensible au sensible, le principe divin du Fils comprenant le passage du sensible au suprasensible; d'où le lien nécessaire entre l'idée de résurrection et le Mystère du Golgotha. Ceci nous confirme bien le message christique des paroles de saint Paul selon lesquelles le Christ est ce qu'il est pour l'humanité parce qu est ressuscite[3]·
Cette compréhension de la résurrection, de la victoire sur la mort s'est de plus en plus affaiblie au cours des siècles; la théologie éclairée moderne n'en retenant plus que Jésus homme, Jésus le Nazaréen, ce dernier ne pouvait évidemment pas être pris comme un principe à côté du Père. Il pouvait certes être le prophète du Père mais n'aurait pu avoir de place auprès du Père, si l'on s'en tient aux discussions qui avaient cours au début du christianisme. En réalité, Dieu le Père et Dieu le Fils ont une place égale, l'un constituant le passage du suprasensible au sensible: Ex deo nascimur; le second constituant le passage du sensible au suprasensible: In Christo morimur. Et, s'élevant au-dessus de cette naissance et de cette mort, un troisième principe émane de Dieu le Père et de Dieu le Fils auxquels il est rattaché d'une manière égale: l'Esprit, !'Esprit Saint. Si bien que nous avons dans l'homme ces trois principes, avec le passage du suprasensible au sensible: Ex deo nascimur; le passage du sensible au suprasensible: In Christo morimur; l'union des deux principes avec ce qui est immortel: la résurrection dans l'esprit – Per spiritum sanctum reviviscimus.
Pendant des siècles, la fête de Noël fut une fête de commémoration. Le fait que la théologie éclairée, en particulier, n'ait retenu du Christ Jésus que Jésus le Nazaréen, montre à quel point s'est perdu l'objet de cette commémoration. Cela nous montre d'autre part, à l'occasion de ce jour, que Noël ne doit plus seulement être cette fête de commémoration pour devenir la fête d'un appel au renouveau. Il faut que naisse un être nouveau. La chrétienté a besoin d'un renouveau. Car depuis qu'elle ne voit plus le Christ en Jésus de Nazareth, elle n'a plus sa raison d'être. Il lui faut la retrouver, et cela passera seulement par la compréhension du contenu suprasensible du Mystère du Golgotha.
Mais il y a un autre élément encore qui a contribué à cette perte de compréhension du Mystère du Golgotha. (…)
Notes
[1] Rudolf Steiner : Développement occulte de l’homme, GA145 (EAR). Conférence du 4/11/1904 dans Christian Rose-Croix et sa mission (EAR)
[2] Ibidem
[3] I. Corinthiens, 15, 17
[Caractères gras et italique S.L.]
Rudolf Steiner
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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- Ce n’est pas le contenu des mots qui compte mais l’essence de la chose
- Deux expériences essentielles rencontrées très tôt au cours de la vie entre la mort et une nouvelle naissance (ainsi que par l’étudiant en occultisme)
- Penser – Sentir – Vouloir : une courte caractérisation
- Organiser le travail scolaire sur base d’une connaissance intime de l’être humain: exemples
- Ce que nous apprend la science : nous avons évolué en nous débarrassant des formes animales
- Pourquoi les êtres humains ne peuvent-ils plus être intérieurement unis au cours de l’année ?
- L'importance capitale des premiers pas dans la vie pour ce qui est déterminé par le destin
- Après la mort: une conscience incommensurable à atténuer pour pouvoir s’orienter
- Le cerveau en tant qu’appareil réflecteur - L’être humain construit selon les pensées du cosmos
- Une mémoire universelle incarnée : voilà ce qu’est l’être humain
- Tous les matins brille le cirage de la chaussure cosmique, ou la prétention d’avoir un jugement sur la totalité du monde à partir des seules lois de la physique, de la chimie, de la biologie
- Le tarissement des forces spirituelles et la nécessité que de telles forces soient générées par les êtres humains eux-mêmes
- Opposer une vie intérieure puissante aux impressions extérieures: un remède permettant de faire face à l’évolution culturelle?
- Se défendre contre tout ce que la technique a apporté dans la vie moderne? Ce serait commettre la plus grave erreur...
- L’amour que l’on croit porter à quelqu'un, le plus souvent pur égoïsme?
- Comment pouvons-nous contrebalancer consciemment les instincts antisociaux, qui se développent naturellement, par des instincts sociaux ?
- De la confiance que l'on peut avoir dans le penser
- Le processus que nous connaissons plus immédiatement et plus intimement que tout autre processus du monde: notre penser
- Pourquoi la majeure partie de la population reste-t-elle indifférente devant l’accroissement incessant du pouvoir médical ?
- Comment faudrait-il concevoir l’enseignement de l’anthroposophie pour les débutants ?
- Origines occultes du matérialisme de notre époque
- La patience, au sens occulte, est nécessaire pour comprendre la science de l'esprit
- Une différence essentielle entre le Grec et le Romain
- Au sujet de la nature des vérités anthroposophiques
- De la nature abstraite des concepts
- Action matérialisante du cinéma