Extrait de l'avant-propos à la nouvelle édition du livre « La Philosophie de la Liberté » (1918)
Rudolf Steiner – GA004
Traduit depuis l'allemand par Germaine Claretie
(Aux Presses universitaires de France - Édition de 1923)
La Philosophie de la Liberté est traduite en français en de multiples éditions, dont principalement :
- Éditions anthroposophiques romandes et Fishbascher, traduction de Georges Ducommun.
- Éditions Novalis, traduction de Geneviève Bideau, Édition dite du Centenaire, Montesson, 1993, (ISBN 2-91011204-7)
- Éditions Branche Paul de Tarse, traduction de Frédéric C. Kozlik.(1986) édition comparée de(1894/1918) et introduction.
- Éditions PUF/Éditions Alice Sauerwein, traduction de Germaine Claretie (1923)
- Éditions TheBookEdition.com, (en autoédition), traduction de Thomas Letouzé (2022).
Les sujets qui ont été traités dans ce livre se ramènent à deux questions primordiales concernant la vie de l’âme humaine.La première est celle-ci : Est-il possible de se former de l’être humain une conception qui permette de fonder sur lui, comme sur un point d’appui inébranlable, les données diverses de l’expérience et de la science ? En effet, ces données nous donnent l’impression de ne point pouvoir se fonder sur elles-mêmes ; le doute et le jugement critique les relèguent dans le domaine de l’incertitude. Quant à la seconde question, nous la formulerons ainsi : L’homme, en sa qualité d’être volontaire, a-t-il le droit de s’attribuer la liberté, ou bien cette liberté n’est-elle qu’une pure illusion, due à ce que l’homme ignore les liens par lesquels la nécessité enchaîne sa volonté comme elle enchaîne tous les phénomènes naturels ? Cette dernière question n’a pas été posée à la suite d’opérations logiques artificielles. Dans certaines conditions de la vie intérieure, elle se présente tout naturellement à l’esprit humain ; et l’on a le sentiment qu’il manquerait quelque chose au développement complet de l’âme s’il ne lui arrivait point une fois, au cours de sa vie, d’envisager avec le plus grand sérieux le dilemme que nous venons de poser : liberté ou détermination de la volonté humaine.
Il sera montré dans cet ouvrage que les expériences intérieures qui sont liées, pour l’être humain, à la seconde de ces questions, diffèrent selon la réponse qu’il a pu donner à la première. Nous tenterons de prouver qu’il existe une conception de la nature humaine selon laquelle on peut fonder sur cette nature, avec sûreté, tout le reste de nos connaissances ; et nous tenterons ensuite d’indiquer que cette conception-là permet de justifier entièrement l’idée de la liberté du vouloir humain, à condition seulement que l’on trouve l’accès du domaine de l’âme où cette libre volonté peut réellement s’épanouir.
La conception dont nous parlons, qui permet de répondre aux deux questions posées, se transforme dans l’âme qui l’acquiert en véritable force vivante. Elle ne fournit pas une réponse théorique que l’intelligence puisse simplement admettre, et la mémoire conserver. Une réponse de cette sorte ne serait, du point de vue de ce livre, qu’une apparence de réponse. Aussi n’a-t-on point émis ici des conclusions achevées et définitives ; mais on a montré le chemin expérimental d’un domaine intérieur où l’activité de l’âme humaine peut, à chaque fois qu’il en est besoin, trouver elle-même la solution renouvelée et revivifiée de ces problèmes. En effet, il suffit que nous ayons eu l’accès du domaine intérieur où ces deux questions se posent, pour que la véritable connaissance de ce domaine nous procure tous les éléments nécessaires à leur solution, et nous permette ensuite d’explorer l’ampleur et la profondeur des mystères de la vie, dans la mesure où notre désir et notre destinée nous invitent à le faire.
Il semble donc que l’on a défini, en cet ouvrage, une connaissance qui, par sa nature propre, et par l’étroite parenté la reliant à toute la vie de l’âme humaine, porte en elle-même sa légitimation et sa valeur.
C’est ainsi que je concevais le contenu de ce livre alors que je l’écrivis, il y a vingt-cinq ans. Et je ne puis aujourd’hui que répéter, en ce qui le concerne, les mêmes phrases. Au temps où je l’écrivis, je me fis une règle de ne rien dire qui ne fût en rapport étroit avec les deux questions fondamentales dont il traite. S’il est quelqu’un pour s’étonner de ce qu’on ne trouve encore, en ce livre, aucune allusion au domaine d’expérience spirituelle dont j’ai parlé dans mes ouvrages suivants, je le prierai de considérer que je ne voulais pas encore, en ce temps-là, décrire les résultats de l’expérience spirituelle, mais seulement établir les fondements sur lesquels cette expérience peut s’édifier. Cette « Philosophie de la Liberté » ne renferme aucun résultat spécial ni de l’expérience spirituelle, ni de l’expérience naturelle ; mais ce qu’elle renfermeest, à mon avis, la première condition de la certitude que l’on tient à établir en ces deux ordres de science. Les exposés de ce livre peuvent parfaitement être admis par ceux qui, pour des raisons dont ils sont les seuls juges, ne veulent rien accepter du résultat de mes investigations spirituelles. Mais pour ceux qui se sentent attirés, au contraire, par ces investigations spirituelles, la tentative faite en cet ouvrage pourra également paraître d’une grande importance ; on a essayé d’y démontrer qu’un examen libre et sincère, s’appliquant uniquement aux deux questions que nous avons signalées ici comme étant la base de touteconnaissance, fournit la certitude que la vie de l’homme plonge dans un véritable monde spirituel. Ce livre tente de légitimer la connaissance du domaine spirituel avant que l’on ait l’accès de ce domaine. Et cette légitimation a été faite de telle manière qu’on n’ait à aucun moment, en lisant ce livre, le besoin de justifier ce qui s’y trouve en y raccordant les expériences dont j’ai donné communication plus tard ; pour admettre ce qui est dit ici, il suffit que l’on puisse, ou que l’on veuille bien entrer dans la méthode même selon laquelle ces considérations ont été conçues. (…)
Rudolf Steiner
[Caractères gras : SL]
Note de la rédaction
Un extrait isolé issu d'une conférence, d'un article ou d'un livre de Rudolf Steiner ne peut que donner un aperçu très incomplet des apports de la science de l'esprit d'orientation anthroposophique sur une question donnée.
De nombreux liens et points de vue requièrent encore des éclairages, soit par l'étude de toute la conférence, voire par celle de tout un cycle de conférence (ou livre) et souvent même par l'étude de plusieurs ouvrages pour se faire une image suffisamment complète !
En outre, il est important pour des débutants de commencer par le début, notamment par les ouvrages de base, pour éviter les risques de confusion dans les représentations.
Le présent extrait n'est dès lors communiqué qu'à titre indicatif et constitue une invitation à approfondir le sujet.
Le titre de cet extrait a été ajouté par la rédaction du site www.soi-esprit.info
Tous les articles de la catégorie Pensées anthroposophiques
- Se présenter dans le monde sous le signe de la pleine vérité NOUVEAU
- Poser clairement le problème de la Liberté : réalité ou illusion ? NOUVEAU
- Le penser repose... sur lui-même ! NOUVEAU
- La théorie de la relativité conduit à faire les premiers pas dans la science de l'esprit... si elle est pensée de manière conséquente NOUVEAU
- Un point de vue sur l'évolution spirituelle de l'humanité au cours de la succession des civilisations
- Pourquoi il y a-t-il alternance entre incarnations féminines et incarnations masculines ?
- Spiritualités «d’en bas» versus «d’en haut»: catacombes versus Rome impériale – anthroposophie versus cultures scientifiques et spirituelles extérieures
- « La pensée du cœur » - Clarifications fondamentales
- Le matérialisme a son bien-fondé
- L’humanité est aujourd’hui seulement assez mûre pour comprendre le contenu spirituel de la loi de Karma et de réincarnation
- Le but et la nécessité de la vie alternée entre veille et sommeil, sans laquelle la vie sur la terre ne serait pas possible. Le lien avec le dépérissement du corps.
- Le mensonge, considéré spirituellement est un meurtre. Il est aussi un suicide.
- La «technique» du Karma
- La loi du karma: une loi universelle
- Pourquoi fixer la fête de Noël en hiver… et pas en été ? L’initiation consciente et l’initiation naturelle (notamment pendant les treize nuits de l’hiver)
- La fête de Noël et les trois principes : Le Père, le Fils et le Saint-Esprit
- Trouver l'harmonie entre l'amour entre les humains en général, d'une part, et l'amour de son peuple, d'autre part
- La part de responsabilité anglo-saxone dans la catastrophe de la guerre
- Quelques particularités fondamentales de l’évolution humaine au cours des périodes de civilisation : leur lien avec la maîtrise du corps physique et avec la conscience clairvoyante
- Celui qui perçoit le monde spirituel peut-il avoir une connaissance immédiate de tout (Omniscience) ?
- Pourquoi les communautés humaines ont-elles accordé de l'importance aux fêtes des morts de toute nature ?
- Pourquoi les livres anthroposophiques sont-ils écrits de façon si incompréhensible ?
- Mourir avant ou après l’âge de 35 ans. Quelques particularités des humains morts pendant leur jeunesse
- Le moment de la mort a une importance extraordinaire
- La vie du sommeil serait beaucoup plus active que la vie… de veille ! De quoi s'agit-il?
- Entre la mort et une nouvelle naissance il nous faut acquérir la faculté d’être un être humain dans la vie physique
- Les dangers de l’initiation occulte jésuite et son opposition la plus radicale avec le chemin de connaissance Rose-Croix
- Extraire l'enfant le plus vite possible de l'enfance : un faux principe d’éducation
- Quelques exemples d’impulsions lucifériennes et ahrimaniennes imprégnant la vie sociale
- Confrontations et discordes, comme conséquences de pensées abstraites de la réalité. Un exemple parlant.
- C’est pour acquérir des pensées que nous devons entrer dans la vie terrestre
- Un mensonge, même soutenu dans une bonne intention, agit comme un mensonge
- Si l’on avait une éducation du cœur et pas seulement de la tête, ce serait une source de jouvence
- Jamais il n’y eut, au cours du développement de l’humanité, des concepts et des représentations plus spirituels que ceux que notre science naturelle amène à la surface
- La grande maladie de notre temps, c’est la déclamation d’idées abstraites dénuées de valeur pour la vie réelle
- Charlatanerie et manipulations au sein d'un mouvement dit «spirituel»
- La mort des enfants, des jeunes et des adultes
- Réveil et endormissement sont les deux moments les plus importants pour la relation avec nos défunts
- Du matin au soir nous sommes à moitié endormis. La part endormie partage les mêmes réalités que nos défunts.
- L’être humain se développe au-dessus de la vie de l’État
- L’extorsion de l’initiation par les Césars romains et ses conséquences, à l’antipode du monde grec
- Une intention fondamentale dans toute la littérature anthroposophique: Éveiller l’autonomie des lecteurs
- Une histoire amusante qui montre le côté risible du matérialiste arrogant
- Développer une sensibilité pour la boule de neige qui provoquera une avalanche, alors que la volonté existe de tuer l’anthroposophie
- On cherche à détruire la science de l’esprit. Quelques exemples de cas concrets.
- Que signifie «se libérer de soi-même» pour développer des facultés de connaissance occultes? Quel chemin emprunter pour y parvenir?
- L’étude des réalités des mondes supérieurs, une auto-éducation qui transforme peu à peu l’âme
- Max Heindel, plagiaire notoire de Rudolf Steiner
- Quelle est l’importance du penser, du sentir et du vouloir après avoir franchi la porte de la mort ?
- Après la mort, tout ce dont l’être humain n’a pas le moindre soupçon pendant sa vie se dresse puissamment devant lui
- La relation avec les autres êtres humains après la mort, lors de la traversée du kamaloca. Désirs et convoitises camouflés ont une action d’autant plus intense après la mort
- Ce n’est pas le contenu des mots qui compte mais l’essence de la chose
- Deux expériences essentielles rencontrées très tôt au cours de la vie entre la mort et une nouvelle naissance (ainsi que par l’étudiant en occultisme)
- Penser – Sentir – Vouloir : une courte caractérisation
- Organiser le travail scolaire sur base d’une connaissance intime de l’être humain: exemples
- Ce que nous apprend la science : nous avons évolué en nous débarrassant des formes animales
- Pourquoi les êtres humains ne peuvent-ils plus être intérieurement unis au cours de l’année ?
- L'importance capitale des premiers pas dans la vie pour ce qui est déterminé par le destin
- Après la mort: une conscience incommensurable à atténuer pour pouvoir s’orienter
- Le cerveau en tant qu’appareil réflecteur - L’être humain construit selon les pensées du cosmos
- Une mémoire universelle incarnée : voilà ce qu’est l’être humain
- Tous les matins brille le cirage de la chaussure cosmique, ou la prétention d’avoir un jugement sur la totalité du monde à partir des seules lois de la physique, de la chimie, de la biologie
- Le tarissement des forces spirituelles et la nécessité que de telles forces soient générées par les êtres humains eux-mêmes
- Opposer une vie intérieure puissante aux impressions extérieures: un remède permettant de faire face à l’évolution culturelle?
- Se défendre contre tout ce que la technique a apporté dans la vie moderne? Ce serait commettre la plus grave erreur...
- L’amour que l’on croit porter à quelqu'un, le plus souvent pur égoïsme?
- Comment pouvons-nous contrebalancer consciemment les instincts antisociaux, qui se développent naturellement, par des instincts sociaux ?
- De la confiance que l'on peut avoir dans le penser
- Le processus que nous connaissons plus immédiatement et plus intimement que tout autre processus du monde: notre penser
- Pourquoi la majeure partie de la population reste-t-elle indifférente devant l’accroissement incessant du pouvoir médical ?
- Comment faudrait-il concevoir l’enseignement de l’anthroposophie pour les débutants ?
- Origines occultes du matérialisme de notre époque
- La patience, au sens occulte, est nécessaire pour comprendre la science de l'esprit
- Une différence essentielle entre le Grec et le Romain
- Au sujet de la nature des vérités anthroposophiques
- De la nature abstraite des concepts
- Action matérialisante du cinéma