Extrait du reccueil de conférences « Expériences vécues par les morts »
Munich, le 26 novembre 1912 - La conférence est initulée : « La vie entre la mort et une nouvelle naissance »
Rudolf Steiner – GA140a
Éditions anthroposophiques romandes (1992) - Traducteur : Georges Ducommun
PRÉAMBULE : La compréhension de cette conférence présuppose une connaissance suffisamment exacte de ce que recouvrent notamment les mots «imagination», «inspiration», «hiérarchie supérieure», «kamaloca», etc. dans le contexte précis de la science de l’esprit d’orientation anthroposophique. Pour ce faire, nous vous invitons à prendre connaissance d’ouvrages de base. Voir notamment et par exemple, les ouvrages mentionnés sur cette page.
(…) Je désire évoquer d’abord deux choses importantes qui relèvent de la vision clairvoyante et peuvent aider à comprendre la vie après la mort. Nous avons souvent indiqué à quel point la vie dans le monde suprasensible est différente de la vie que nous menons au sein du monde sensible, dans le monde physique. Lorsque nous accédons au monde spirituel il y a déjà, par exemple, le processus de connaissance qui diffère totalement de celui appliqué au monde physique. Ici-bas, nous allons par le monde, et les choses viennent à la rencontre de nos sens. Elles provoquent des impressions colorées et lumineuses sur l’œil, des impressions auditives dans l’oreille, et d’autres impressions encore sur nos autres sens. Nous percevons les choses, nous nous transportons d’un bout du monde à l’autre – et nous devons le faire – pour arriver à les percevoir.
Si nous voulons voir une chose, nous sommes obligés d’aller à sa rencontre. Nous devons nous activer et nous mouvoir dans le monde des sens si nous voulons percevoir les choses sensibles. C’est exactement l’inverse pour les perceptions dans le monde suprasensible. Plus notre âme est calme, plus nous réprimons toute mobilité intérieure, plus nous renonçons à aller à la rencontre des choses, mieux nous obtenons la perception d’une chose suprasensible. Cela ne vaut rien d’aspirer à ce que la chose vienne à nous ; il faut savoir attendre : l’expérience que nous aurons sera d’autant plus vraie. Dans le monde suprasensible, la règle est de laisser les choses venir à nous. L’essentiel réside dans l’acquisition du calme intérieur. Les choses viendront d’elles-mêmes à notre rencontre.
Le second point que je désire encore évoquer est le suivant : lorsque nous entrons dans le monde suprasensible, il est nécessaire de bien se rendre compte que la façon dont le monde spirituel se présente à nous dépend de ce que nous emportons du monde sensible ordinaire au moment de pénétrer dans le monde suprasensible. Cela provoque parfois dans le monde spirituel de très grandes difficultés au niveau de l’âme. Nous pouvons alors ressentir très péniblement le fait d’avoir aimé quelqu’un moins que nous n’aurions dû le faire, moins qu’il ne le méritait. En entrant dans le monde spirituel après avoir négligé de dispenser l’amour nécessaire, nous éprouvons ce manquement d’une façon bien plus intense que tout ce qui peut être ressenti d’analogue par notre âme dans le monde physique sensible.
À cela s’ajoute une expérience d’une extrême importance qui peut causer les plus grandes souffrances intérieures à celui qui dispose de la conscience clairvoyante. Toutes les forces que nous pouvons tirer du monde suprasensible, tout ce que nous pouvons y acquérir, tout cela ne saurait nous aider à améliorer, au moyen de forces prélevées dans le monde suprasensible, le rapport d’âme à âme dont nous nous rendons compte qu’il n’a pas été correct sur le plan terrestre. Comparée à tout ce qui peut nous causer de la peine dans le monde sensible, cette expérience dans le monde suprasensible s’avère bien plus pénible encore. Elle suscite en quelque sorte un sentiment d’impuissance face à l’accomplissement nécessaire du karma qui doit se concrétiser au niveau du monde physique.
Dès que l’étudiant en science occulte a fait quelques progrès, il rencontre ces deux expériences. Elles surgissent très tôt au cours de la vie entre la mort et une nouvelle naissance. Imaginons le cas où entre la mort et une nouvelle naissance, peu de temps après la mort, nous rencontrons des êtres humains qui ont quitté le plan terrestre avant nous. Nous les rencontrons et pouvons ressentir la sorte de relations que nous avons eues avec eux sur terre. Nous nous trouvons avec quelqu’un qui est décédé avant nous ou après nous, ou qui meurt à l’instant même. L’impression ressentie peut se traduire ainsi : les rapports avec cet être sont maintenant exactement les mêmes que précédemment sur terre. Mais nous ne sommes plus en mesure de réaliser ce qui était encore possible dans le monde physique.
Là, lorsque nous avions fait du tort à quelqu’un, soit au niveau de nos sentiments, soit à celui de nos actes, nous avions toujours la possibilité d’entreprendre quelque chose pour compenser le tort causé. Dans la vie après la mort, cette possibilité n’existe plus. Nous voyons clairement comment se présentent nos relations passées, mais nous reconnaissons que maintenant, dans le monde suprasensible, il est impossible d’y changer quoi que ce soit, alors même que nous voyons parfaitement que les choses devraient être différentes. Dans un premier temps, la situation doit rester telle qu’elle est.
À partir du moment où l’on réalise que les relations auraient dû être différentes, mais qu’il faut les laisser inchangées alors même qu’on éprouve combien elles devraient être différentes, on éprouve l’aspect oppressant de bien des reproches. Ce sentiment se prolonge tout au long de la vie après la mort. Nous saisissons alors encore mieux la gravité de notre négligence, de notre comportement insatisfaisant pendant la vie, mais nous ne pouvons plus rien y changer. Notre regard tourné vers le passé nous dévoile tout ce que nous avons fait, et nous sommes obligés d’en subir entièrement les conséquences. Nous ressentons très vivement que nous ne pouvons plus rien modifier.
Il en est ainsi non seulement pour les rapports avec nos semblables, mais aussi pour l’ensemble de la vie de notre âme après la mort, car ce qui se passe alors dépend de nombreuses données. Pour commencer je désire vous dépeindre de façon imaginative comment se présente cette vie après la mort. À partir des notions d’« imagination » ou de « vision », telles que je les ai utilisées lors de ma dernière conférence, aucun malentendu ne peut surgir à propos de ce que je vais vous décrire maintenant. Sur terre, l’homme perçoit le monde extérieur à l’aide de ses organes des sens.
Après la mort il vit en quelque sorte dans un monde de visions, mais ces visions représentent des images de réalités. Sur le plan physique, nous ne percevons pas directement l’être intérieur d’une rose. Nous ne voyons que sa forme extérieure rouge. De même nous ne percevons pas directement un frère ou un ami défunt ; ce qui nous est accessible après la mort, c’est son image visionnaire. Nous nous trouvons pour ainsi dire entourés du nuage des visions, mais nous savons très bien que nous sommes réunis avec nos semblables. Il s’agit d’une relation réelle, bien plus réelle que tout ce qui peut exister sur terre comme relation d’homme à homme. L’image nous permet de percevoir l’être. Dès le début, et même après le kamaloca, les visions qui nous entourent nous renvoient la plupart du temps à nos expériences terrestres.
Lorsque nous savons qu’un ami défunt vit avec nous dans le monde spirituel, nous le percevons au moyen de notre vision. Nous avons alors le sentiment d’être avec lui, et nous connaissons le lien qui nous unit. Mais ce que nous percevons avant tout, ce qui s’imprime tout d’abord dans notre vision, c’est ce qui s’est déroulé avec lui sur terre. L’essentiel de notre expérience porte d’abord sur les conséquences de nos relations terrestres. De toute façon, même au-delà du kamaloca, nous continuons à subir dans une certaine mesure les conséquences de notre existence terrestre.
Ce nuage de visions qui nous entoure dépend entièrement de la manière dont s’est déroulée notre vie terrestre. Ce n’est que peu à peu, au cours du temps où nous évoluons entre la mort et une nouvelle naissance, que la contemplation imaginative accède à l’expérience suivante: l’homme dont le psychisme est comme enveloppé dans ses imaginations, commence à se présenter à la vision imaginative sous la forme d’un nuage d’abord sombre, c’est ainsi que l’homme se présente les premiers temps après le kamaloca. Puis ce nuage commence à être éclairé d’un côté, comme le serait un nuage au lever du soleil. Lorsque vient l’inspiration, appelée à expliquer cette imagination, on parvient à saisir la chose suivante : nous vivons tout d’abord dans le monde, dans le nuage de nos propres expériences faites sur terre, et nous sommes comme enveloppés en elles.
Dans un premier temps nous ne pouvons établir de rapport qu’avec les hommes avec lesquels nous avons vécu sur terre, donc avant tout ceux qui sont décédés ou ceux qui ont la possibilité de s’élever avec leur âme de la terre au monde spirituel. Ce qui s’exprime alors dans le monde imaginatif, lorsqu’on voit qu’une lueur vient éclairer un côté du nuage de notre être et l’enveloppe ensuite, indique que nous commençons à nous familiariser avec les hiérarchies qui s’approchent de notre propre entité.
Les entités des hiérarchies supérieures viennent à notre rencontre, et nous nous habituons progressivement à ce monde de haute spiritualité. Auparavant nos liens se limitaient au monde que nous avions apporté avec nous. Ensuite la vie des hiérarchies supérieures se met à nous éclairer et à nous pénétrer. Nous commençons à partager la vie des hiérarchies supérieures et à nous y habituer de plus en plus. Mais pour bien saisir comment s’opère cette fusion avec les hiérarchies, il est nécessaire de connaître ce que dit la clairvoyance imaginative à propos des dimensions que prend notre être intérieur lorsque notre âme sort de notre corps physique (…).
[Caractères gras S.L.]
[NDR : plus loin dans cette conférence il sera question d'une possibilité non pas de modifier le passé, mais de compenser par des actes à venir ce passé... donc surtout pas de désespoir!]
Rudolf Steiner
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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