Septième conférence du livre
« Bases de la Pédagogie - Cours aux éducateurs et enseignants »,
Rudolf Steiner - Dornach, le 29 décembre 1921
Éditions Anthroposophiques Romandes 1988, GA303
Traduction : Geneviève Bideau
NDLR : le titre de la présente conférence a été donné par la rédaction de Soi-esprit.info. Celle-ci ne comporte pas de titre dans l'ouvrage originel. |
(...) C'est tout particulièrement lorsqu'on doit s'occuper du tout petit enfant en qualité de guide et éducateur - que l'on soit parent ou lié à l'enfant d'une autre façon - que l'on ressent à l'égard du tout petit enfant de façon extrêmement forte l'obligation de pouvoir se pencher avec compréhension sur le déroulement de la vie humaine dans sa totalité. C'est pourquoi il a toujours été particulièrement douloureux pour moi qu'à l'École Waldorf de Stuttgart nous ne puissions accueillir que des enfants qui ont déjà atteint l'âge considéré en Europe du Centre comme celui de la scolarité obligatoire.
Pouvoir prendre à la Libre École Waldorf même les enfants plus jeunes m'apporterait une profonde satisfaction. Mais, outre d'autres difficultés, un obstacle principal s'oppose à ce que nous édifiions une sorte d'école pour les tout-petits : dans tous les domaines de notre mouvement anthroposophique, nous souffrons d'une surabondance extraordinairement prononcée de manque d'argent : et cette forte surabondance de manque d'argent nous permet tout au plus d'espérer que, si à l'avenir l'École Waldorf ne rencontre pas trop d'hostilité, nous parviendrons aussi à prendre dans cette École Waldorf même les enfants plus jeunes.
L'enfant plus jeune est, on le sait, l'être qui est tout d'abord le moins accessible au monde extérieur même à ce que nous tentons de faire à l'égard de l'enfant en tant qu'êtres qui lui sommes extérieurs. Et, tout particulièrement dans les tout premiers temps de sa vie, il ferme pour ainsi dire les portes de la vie de son âme et s'isole encore entièrement du monde extérieur, en particulier grâce à ce qu'il peut faire dans les toutes premières années de sa vie contre toutes les mesures que les personnes veulent prendre de l'extérieur à son égard. Dans les tout premiers temps de sa vie, l'être humain - on peut le dire absolument sans limitation - fait tout simplement ce qu'il veut. Pourvu que l'adulte consente à se l'avouer, il doit bien constater qu'il est dans une très large mesure, impuissant face à ce que l'enfant veut, notamment en ce qui concerne tout le devenir de l'enfant dans le cours ultérieur, parfois même ultime de la vie humaine.
Vous savez peut-être qu'assez longtemps avant de me mettre à publier de la littérature anthroposophique au sens strict, j'ai publié au début des années quatre-vingt-dix du siècle dernier ma « Philosophie de la liberté »[1]. Cette « Philosophie de la liberté » veut précisément considérer véritablement dans la vie humaine, y compris du point de vue social, ce qui en l'être humain évolue vers l'impulsion de la liberté, l'impulsion de la personnalité de l'être humain dans sa totalité, l'impulsion de sa pleine personnalité.
C'est précisément lorsqu'on se donne un tel point de départ qu'on a le regard tout spécialement attiré sur le fait qu'en réalité on est placé face au tout petit enfant de façon telle que l'on doit déjà poser d'une part la question de la liberté et de l'autre côté la question de la destinée. On peut bien le dire, lorsqu'on pénètre tout à fait dans le cœur humain, il se révèle alors à vous combien la plus grande partie du bonheur terrestre de l'homme, du sentiment de sa valeur en tant qu'être humain et de la dignité humaine dépend de la conscience que l'être humain peut avoir de la liberté dans sa propre poitrine. Et la connaissance anthroposophique nous montre bien que le but de la vie humaine consiste précisément en ceci : à toutes les diverses qualités propres que l'être humain développe aussi lorsqu'il construit sa future incarnation avant la naissance ou la conception, dans le monde de l'âme et de l'esprit, à ces qualités propres dont il refait l'expérience après la mort vient s'ajouter l'impulsion de la liberté qu'il peut vivre précisément pendant sa vie terrestre et seulement pendant cette vie terrestre, par l'usage de sa corporéité, par le fait qu'il plonge dans la corporéité. La terre est le seul endroit où l'homme puisse devenir un être libre et il ne peut emporter dans les autres mondes qu'autant de liberté qu'il peut en acquérir sur la terre. Lorsqu'on s'approche du tout petit enfant avec ce sentiment - et les sentiments sont bien les forces les plus importantes pour l'artiste en éducation et en enseignement -, alors on se pose la question : comment doit-on se comporter pour que le tout petit enfant puisse parvenir plus tard à la pleine possession de la conscience de sa liberté ? - Et d'un autre côté, nous verrons facilement, déjà par la vie extérieure, pourvu que nous soyons assez dépourvus de préjugés, ce que la compréhension anthroposophique élève ensuite jusqu'à une totale certitude, à savoir que l'être humain a, en dépit de sa liberté, un destin, ce que l'on appelle du nom oriental de « karma »[2].
Observons par exemple, par rapport à sa vie ultérieure, comment un être humain rencontre une personnalité qu'il ne connaissait absolument pas auparavant, qui exerce alors une influence profonde sur son destin, avec laquelle il se lie de façon particulière, peut-être pour une communauté de vie. Tout d'abord, il semble que ce soient les hasards de la vie qui l'ont conduit vers cette personnalité. Mais si ensuite, même sans la science anthroposophique de l'esprit, on considère rétrospectivement cette vie, on sera étonné de constater que l'on a auparavant accompli tous les pas possibles qui s'harmonisent avec ce qui paraît à tort tout à fait fortuit. Après coup, il semble réellement que l'on ait recherché à dessein le chemin conduisant à cette personnalité. Et le vieil ami de Goethe, Knebel[3] a fait cette remarque qui venait du tréfonds de l'âme, tandis que, dans sa vieillesse, il jetait un regard rétrospectif sur sa vie : lorsque, sur ses vieux jours, on jette un regard rétrospectif sur sa vie tout semble en réalité avoir été porté par un plan. Tout s'harmonise en une unité. - Et comme notre volonté est incorporée dans le tissu de nos actes isolés, on peut en réalité voir partout comment la vie vient à nous conformément à notre destin. On pourrait encore citer bien d'autres personnalités qui, comme Knebel, en arrivent à une telle conviction par la seule observation extérieure de la vie. On constatera alors que même des observations de la vie à partir de l'extérieur viennent tout à fait confirmer des vérités aussi éloignées de la vie courante que l'est la vérité du Karma. Mais, précisément lorsqu'on part de ce point de vue, on doit cependant, en tant que guide et éducateur du tout petit enfant, se poser cette question : es-tu précisément celui - et cette question viendra à l'esprit tout particulièrement lorsqu'on a un home pour enfants, car il faudrait alors que ce soit le cas pour tous les enfants qui peuvent vous être confiés-, es-tu précisément celui qui a été choisi par le destin pour un lien aussi important, pour un rapport à l'enfant aussi important que l'est celui de maître et d'éducateur ? - Et on est placé devant ce choix : que peut-on faire pour s'effacer aussi fortement que possible afin que notre caractère personnel pénètre aussi peu que possible en l'enfant, afin que nous ne gâchions pas le destin de l'enfant, mais que nous l'élevions jusqu'au point où il sera dans la vie un être humain libre ?
Combien l'influence exercée par un être humain sur un autre, en particulier au moment de la toute petite enfance peut être profonde, cela se voit lorsqu'on considère dans tout son caractère propre la première grande période de la vie de l'être humain : celle-ci va de la naissance - si nous faisons maintenant abstraction de la vie embryonnaire, dont nous parlerons plus tard, jusqu'au changement de dentition, à peu près au moment de la septième année. Le changement de dentition introduit une coupure importante dans toute la vie de l'être humain. Et celui qui sait vraiment observer verra qu'il apparaît chez l'enfant après la septième année une certaine configuration du penser, du ressentir et du vouloir sous une forme qui n'était précisément pas présente auparavant. Nous nous sommes habitués, en observant de l'extérieur le monde matériel, à appliquer à la vie humaine dans la vie concrète certaines représentations que nous avons formées d'une façon qui était encore conforme à l'esprit. Quand nous voyons certains processus matériels qui produisent en un certain point de la chaleur perceptible extérieurement, qui n'était auparavant pas perceptible extérieurement sans qu'elle ait été apportée de l'extérieur, alors nous disons : cette chaleur existait à l'état latent dans la substance matérielle, elle est ensuite devenue de la chaleur à l'état libre. Nous avons été tout à fait habitués à parler de choses de ce genre quand nous considérons les processus matériels extérieurs. - Eh bien, de même que, par un processus matériel, de la chaleur peut se dégager alors qu'elle existait auparavant à l'état latent, de même se dégagent autour de la septième année, dans le penser, le vouloir et le ressentir de l'enfant, des forces qui étaient auparavant emprises dans l'organisme de l'enfant, qui n'avaient pas auparavant d'activité autonome dans l'âme. Maintenant, après la septième année, elles ont une activité autonome dans l'âme. Auparavant, elles étaient à l'œuvre dans l'organisme, elles étaient liées aux processus de croissance et de nutrition. Elles s'en sont dégagées, ont pris la nature de forces de l'âme.
Aujourd'hui, une science abstraite considère toujours le rapport entre le corps et l'âme, se construit un concept abstrait de l'âme, du corps, et on parle alors d'action du corps sur l'âme, d'action de l'âme sur le corps, de parallélisme psychophysique et autres belles choses semblables, et on échafaude ensuite des théories subtiles sur la façon dont l'âme agit sur le corps. On n'observe pas dans ce domaine, on échafaude des théories subtiles, on philosophe. Mais on peut philosopher longtemps dans cette direction, il n'en sortira rien ; car lorsqu'on veut pénétrer dans le domaine de l'être humain, on doit observer exactement de la même manière que lorsqu'on veut observer la nature extérieure. Et si l'on considère dans leurs liens réciproques l'élément psycho-spirituel et l'élément physico-éthérique de l'enfant depuis la naissance jusqu'aux environs de la septième année, la chose se présente ainsi que sont présentes dans l'organisme sans qu'on les remarque les forces qui apparaîtront plus tard en tant que forces de l'âme, dans le rapport, le commerce qui s'établit à partir de la septième année avec le monde extérieur.
Si l'on veut donc répondre à la question : comment est-elle faite, cette âme de l'enfant jusqu'à la septième année ? - alors il faut regarder l'évolution de l'âme à partir de la septième année. On peut alors observer sous forme psychique ce qui se trouvait auparavant dans l'organisme et qui était actif dans les organes. Mais, lorsqu'on considère cela, on voit que cette activité organique interne particulièrement occupée à modeler plastiquement le cerveau, à former le reste de l'organisation, a une signification toute particulière. L'enfant fait pénétrer jusque dans son organisation physique ce que, par la naissance ou la conception, il avait rapporté des mondes spirituels. Il déploie son activité à l'intérieur de cette organisation. Il fait ce qu'il veut à partir de cette activité organisatrice et ferme encore les portes au monde extérieur. Et nous n'avons pas le droit d'intervenir à l'aveuglette et maladroitement dans ce que l'enfant accomplit sous la forme qu'il fait précisément ce qu'il veut, qu'il n'est notamment pas accessible à la volonté du monde extérieur.
Et si nous songeons en revanche que tout ce que nous faisons à proximité de l'enfant fait une impression sur l'enfant, fait malgré tout une impression sur lui — nous décrirons cela plus en détail par la suite et nous tiendrons compte de ce que les forces qui apparaissent plus tard sous forme psychique agissent encore dans les organes de l'enfant et que, lorsque l'enfant prend en lui telle ou telle représentation, cette représentation agit selon sa qualité propre sur le poumon, l'estomac, le foie, sur tous les organes possibles, — alors nous verrons que selon les impressions que l'enfant reçoit de nous, par le fait que ses forces psychiques ne se sont pas encore libérées de l'organisme, mais collaborent à son organisation, que pour cette raison nous déterminons, par notre propre comportement à l'égard de l'enfant de cet âge, toutes ses dispositions à la santé et à la maladie.
Vous pouvez dire qu'il est ici question de principes d'éducation en général. Mais ces principes d'éducation sont en fait justement la réalité essentiellement pratique, lorsqu'on les manie de façon vraiment pratique. Car ce qui entre au premier chef en ligne de compte dans l'éducation, c'est avec quels sentiments au sujet de l'essence de l'être humain nous côtoyons l'être humain. Et si, grâce à une connaissance de la nature humaine, nous côtoyons de façon juste l'enfant en devenir, alors nous sommes de bons artistes-éducateurs. Et on peut même avancer ce paradoxe : que chacun fasse dans chaque cas particulier ce qu'il veut - chacun organisera bien sa tâche selon ce qu'il trouvera lui-même avoir appris dans la vie - que chacun organise les choses comme il veut, pourvu qu'il apporte ce qui se dépose en son cœur par l'action d'une connaissance juste de la nature humaine, il fera ce qu'il faut, de quelque façon qu'il s'y prenne. - Moi qui suis le leader spirituel[i] de l'École Waldorf, quand je viens dans les classes parallèles - nous avons déjà des classes parallèles à l'École Waldorf en raison de l'afflux d'élèves, quand je viens, donc, dans les différentes classes et que je vois tel maître traiter un sujet d'une façon et tel autre exactement le même sujet de façon toute différente, il ne me viendrait jamais à l'esprit de dire : il faut s'en tenir à telle façon précise de procéder. Au contraire, ce qui paraît tout à fait opposé peut être absolument juste, chaque chose à sa manière. Bien plus, si un maître voulait imiter l'autre, c'est précisément cela qui pourrait être faux. C'est pourquoi il en est ainsi que l'École Waldorf ne porte pas le nom d'« école libre » pour une raison purement extérieure, mais à cause de la constitution la plus intime, la plus libre de son être tout entier.
Ces jours derniers, j'ai attiré l'attention sur le fait qu'une observation suprasensible de l'être humain conduit à reconnaître qu'il a, outre le corps physique, un corps plus subtil que nous avons appelé corps éthérique, corps de forces formatrices. Ce corps de forces formatrices qui, d'un côté, a en lui les forces de la croissance, de la nutrition, mais aussi de la mémoire, du souvenir, de la faculté de représentation, ce corps de forces formatrices ne naît réellement de l'entité humaine tout entière qu'au moment de la deuxième dentition, d'une façon semblable à ce qui se passe lorsque le corps humain physique naît de la mère quand précisément l'être humain entre dans l'existence physique. C'est-à-dire que, jusqu'au changement de dentition, il faut chercher les forces spécifiques et qui agissent vers l'extérieur de ce corps de forces formatrices, de ce corps éthérique, principalement dans leurs actions à l'intérieur des organes, et après cela { après le changement de dentition} en grande partie seulement {à l’intérieur des organes} ; mais un domaine {du corps éthérique} leur sera enlevé {sera enlevé aux organes} et exercera son action dans la faculté de représentation, dans les souvenirs et les autres nuances de l'âme que l'enfant développe avec le changement de dentition.
Que l'enfant perde ses dents et en aie de nouvelles ne se produit qu'une fois : il n'aura pas de troisième dentition. Les forces qui sont dans l'organisme et qui font sortir la deuxième dentition peuvent être là avant que ces deuxièmes dents soient là : par la suite, elles ne seront plus nécessaires dans l'organisme. Une fois les deuxièmes dents sorties, cette activité du corps éthérique qui produit des phénomènes tels que la poussée des deuxièmes dents ne sera plus nécessaire dans l'organisme. Elle se manifeste alors librement. Mais ce point final qu'est le moment de la deuxième dentition ne fait qu'exprimer de façon tout à fait évidente quelles forces agissent par ailleurs profondément dans l'organisme. C'est tout un ensemble de ces forces qui est précisément libéré psychiquement et spirituellement à la fin de cette première période de la vie. On peut distinguer dans l'ensemble du cours de la vie humaine plusieurs périodes de ce genre et la première dure approximativement jusqu'à la septième année. Mais chacune de ces périodes de la vie s'articule à son tour en trois parties que l'on peut clairement distinguer l'une de l'autre. Et si nous considérons cette libération progressive de certaines forces du corps éthérique de la naissance jusqu'aux environs de la septième année, nous pouvons voir comment, pendant les deux premières années et demie environ après la naissance, ce corps éthérique se libère quant à la tête, puis comment, entre deux ans et demi jusque vers la cinquième année, il se libère ensuite quant à la poitrine, puis comment jusqu'au changement de dentition il se libère enfin quant au métabolisme et aux membres. Si bien que nous devons distinguer trois étapes dans cette libération de certaines forces du corps de forces formatrices. C'est pourquoi il en est ainsi que l'on peut le remarquer nettement : le corps de forces formatrices qui, même dans la tête, apparaît à l'intérieur de l'être humain repousse la volonté extérieure des éducateurs.
Or cette période de la vie est précisément celle où nous apprenons des choses extrêmement importantes et nous les apprenons entièrement par un travail intérieur à partir de ce que nous avons apporté avec nous de la vie antérieure. Songez que, pendant ces deux ans et demi, on apprend à parler, à marcher, donc ce qui est lié le plus étroitement à l'affirmation de soi de l'être humain pour soi et dans la vie sociale. On assimile ces choses très importantes tandis que les forces du corps éthérique travaillent encore à modeler le cerveau et rayonnent jusque dans tout le reste de l'organisme. Lorsqu'elles rayonnent trop fortement dans le reste de l'organisme au point de perturber trop fortement les processus encore fragiles du métabolisme, les processus encore délicats de la respiration, les processus de la circulation, lorsqu'elles vont mener trop grand tapage dans la partie inférieure de l'organisme, alors on peut voir apparaître facilement, à cet âge de l'enfance, la scarlatine et autres maladies d'enfants semblables. Ce qui travaille là est, au fond, inaccessible à une influence consciente, volontaire, qui viendrait de l'extérieur, cela ferme les portes. L'enfant veut travailler sur lui-même à l'intérieur.
Et il est justement d'une importance toute particulière pour l'enfant dans ces deux premières années et demie qu'il n'est pas accessible à la volonté d'autrui, mais qu'il a une subtile faculté de perception instinctive de tout ce qui se passe autour de lui, en particulier de ce qui se passe dans les personnes avec lesquelles il a un certain rapport de l'âme - et les éducateurs en font tout particulièrement partie. Non que le regard extérieur soit déjà tout particulièrement aiguisé, ce n'est pas le cas : il ne s'agit pas d'une vision caractérisée, mais une perception globale, de la nature la plus intime qui soit, se règle sur ce qui se passe dans le monde extérieur autour de l'enfant et qui ne se passe pas dans l'intention de vouloir agir spécialement sur l'enfant. L'enfant se défend de façon tout à fait inconsciente contre ce qui veut agir consciemment sur lui, tout particulièrement dans les deux premières années et demie de sa vie.
Mais il en découle que nous devons prendre en considération cette réceptivité où la perception plonge encore entièrement dans le sentiment. On peut se faire peut-être une idée concrète de ce que signifie cette réceptivité lorsqu'on descend vers l'être qui est immédiatement inférieur à l'homme, vers l'animal. En effet, l'animal est tout particulièrement doué de cette réceptivité. Ceci ne contredit pas ce que j'ai dit sur ce en quoi l'animal est un vieillard. Car il faut absolument partir ici de l'observation. L'animal est tout particulièrement doué de cette réceptivité à ce qui l'entoure. Je ne sais pas si en Angleterre et dans les autres pays européens vous avez entendu parler des chevaux dont on disait qu'ils savaient calculer et qui firent sensation quelques années avant la guerre : à Berlin le célèbre cheval de von Osten[4] à Elberfeld, les chevaux qui savaient calculer. Des chevaux qui savaient calculer d'Elberfeld je ne peux rien dire, mais j'ai très bien connu à Berlin le cheval de Monsieur von Osten, donc aussi le lien qu'il y avait entre Monsieur von Osten, l'éducateur et guide, et ce cheval. Le cheval tapait bien gentiment de son sabot : trois fois trois font neuf, il calculait tout de même de façon très honorable pour un cheval.
Eh bien, il a été échafaudé toutes les théories possibles pour expliquer comment ce cheval arrivait à réagir de cette façon aux questions de Monsieur von Osten, entre autres par un Maître de conférences. Ces gens-là sont très intelligents. Celui-ci a même écrit un livre sur ce cheval de Monsieur von Osten et disait : bien entendu, ce cheval ne sait pas calculer, mais quand Monsieur von Osten dit : trois fois trois, il accompagne toujours cela de gestes imperceptibles. Il a une mimique. Et lorsqu'il dit : neuf, la mimique est telle que le cheval tape effectivement du pied. Et cette mimique, le cheval peut l'observer. — C'était un écrit très savant que ce Maître de conférences avait rédigé là. Il disait en effet : oui, moi - à savoir le Maître de conférences - je n'ai pas pu observer cette mimique : je ne peux donc pas constater qu'elle existe effectivement, mais elle existe certainement et le cheval a su l'observer. — Pour moi, je n'y peux rien, mais ce livre a seulement montré qu'il s'agissait de prouver que ce Maître de conférences jugeait le cheval plus observateur que lui-même, qu'un cheval savait donc faire quelque chose qu'en tout cas le Maître de conférences, de son propre aveu, ne savait pas faire. Eh bien, dans cette affaire, le plus important pour moi était le lien entre M. von Osten et son cheval : M. von Osten avait de grandes poches et, lorsqu'il était en contact avec le cheval, il lui donnait constamment des sucreries à manger, si bien qu'il y avait un constant échange de sentiments, la gratitude du cheval pour la sucrerie. Il y avait un lien intime entre ce cheval et M. von Osten : par ce lien tout ce qui se produisait baignait dans une atmosphère d'amour. Tout le lien du cheval à son maître se trouvait donc placé dans la sphère du sentiment. Étant donnée la nature de l'animal, cela produit en effet quelque chose qui le rend éminemment réceptif, non pas précisément à une mimique mystérieuse, mais aux pensées, à la vie intime de l'âme. Et tous les processus de calcul qui se déroulaient en M. von Osten se transmettaient au cheval par le biais des sucreries, sous l'effet d'une incontestable suggestion. - Ce phénomène n'en est pas moins intéressant pour autant. Il peut être pour nous une clé pour la connaissance des rapports entre les êtres. Mais on ne peut précisément pas l'expliquer de façon rationaliste par l'observation d'une mimique qu'un cheval saurait certes observer, mais non un Maître de conférences, et que ce dernier n'admet que comme hypothèse.
Et, de façon semblable, l'enfant, lorsque le maître et éducateur se conduit de façon juste, se trouve aussi, pendant les deux premières années et demie de sa vie, dans une sorte de rapport de perception de l'âme à l'égard de ce maître et l'enfant devient un imitateur des plus caractérisés. Et la tâche nous incombe alors, non pas de vouloir apprendre à l'enfant toutes sortes de choses de par notre volonté mais, ce qui est un peu plus inconfortable, d'être auprès de lui tels que l'enfant puisse imiter la chose concernée ; car l'enfant est réceptif à tout ce que nous faisons, à notre façon de nous déplacer. Et tout cela, ou bien il l'imite effectivement, ou peut-être il l'imitera plus tard, mais il développe en lui les tendances à l'imitation et il les imprime dans sa corporéité par ses forces organiques et psychiques. Et il est réceptif également à nos sentiments, à nos pensées. Si bien que l'enseignement ne peut consister pendant ces deux premières années et demie qu'en ce que nous nous éduquions nous-même au point de ne penser, ressentir et vouloir auprès de l'enfant que ce qu'il peut regarder. Ceci se prolonge encore fréquemment pendant les années suivantes parce que l'imitation persiste pour l'essentiel jusqu'au changement de dentition. Lorsqu'on est réellement inséré de façon concrète dans la vie, on fait bien des expériences de cette sorte.
Un jour par exemple vinrent me trouver des parents tout désolés qui me dirent : notre enfant était jusqu'à présent très sage, voici maintenant qu'il a volé ! Voyons, a-t-il réellement volé ? Mais oui, il a vraiment volé, car il a tout simplement pris de l'argent dans l'armoire où sa mère met toujours l'argent, il a acheté des sucreries, ne les a pas seulement gardées pour lui, mais les a même partagées avec d'autres enfants. Je leur dis : l'enfant n'a pas du tout volé. Il n'est pas du tout question que l'enfant ait volé ! L'enfant a vu chaque jour sa mère aller vers l'armoire, prendre de l'argent ; l'enfant n'a en aucune façon en lui la représentation de l'acte de voler. Mais c'est un imitateur, l'enfant, et il fait la même chose que sa mère. Il va donc lui aussi vers l'armoire et achète quelque chose. Cela n'a rien à faire avec le concept de voler ou de ne pas voler. Et si on veut éviter que l'enfant le fasse, il faut tout simplement se comporter autrement autour de lui.
Tout revient à ce que, surtout pour les deux premières années et demie de sa vie, l'enfant devient ce que nous sommes nous-mêmes autour de lui. Et ceci a pour conséquence que, lorsque l'enfant apprend par exemple à parler, nous ne cherchions pas à lui imposer quoi que ce soit dans le langage, qu'avant toutes choses nous ne cherchions pas à lui imposer notre volonté pour obtenir qu'il dise ceci ou cela : mais nous devons parler en sa présence comme cela nous vient naturellement afin qu'il ait l'occasion d'entendre parler et nous devons seulement veiller à ce que notre parler naturel soit moral. L'enfant absorbe cela et se place lui-même dans cette voie qui lui est ouverte.
Et si l'on y regarde de plus près, on voit que l'enfant n'apprendra jamais à marcher parce que nous ferons toutes sortes de tentatives pour le faire tenir debout etc. Plus tard, en cours de gymnastique, cela viendra à son heure. En ce qui concerne l'apprentissage de la marche, il peut très facilement arriver qu'avec de telles manœuvres maladroites, si nous essayons par exemple de mettre l'enfant debout et de le faire marcher beaucoup trop tôt, nous démolissions le système nerveux de l'enfant pour tout le reste de sa vie. Nous faisons remarquer à l'enfant que l'adulte se tient debout. En imitateur qu'il est, il se mettra bien lui-même au moment juste dans cette position. Il nous faut absolument considérer l'être humain, lorsqu'il entre dans la vie, comme un être d'imitation et organiser précisément l'éducation en conséquence.
Certes, il en découle bien des désagréments et vous objecterez : il y a pourtant des enfants avec lesquels il n'y a rien à faire, qui vous hurlent aux oreilles du matin au soir à vous en faire éclater le tympan ou qui ont sous une autre forme bien des mauvaises manières, comme on dit. Et certes, les conditions extérieures de la vie amènent à ce que l'on doive aussi prendre à son tour des mesures extérieures pour éviter que l'enfant ne cause des dommages par ses mauvaises manières. Mais ceci ne fait au fond pas vraiment partie de l'éducation. Il est désagréable d'entendre un enfant hurler à vos oreilles toute la journée, mais, pourvu que nous nous comportions cependant autour de lui comme je viens de le caractériser, notre comportement pénétrera dans ses forces psycho-spirituelles profondes qui ont encore des affinités étroites avec les forces organiques et cela se manifestera plus tard. Ce qui est au fond de ses hurlements ou autres particularités s'avérera être une conséquence de son organisation, si on observe objectivement. Cela provient de quelque chose qui passe avec l'enfance, non pas certes les forces intenses de hurlement, mais la tendance à extérioriser ces forces précisément par des hurlements. Car il est vrai que ce qui s'extériorise par exemple pendant l'enfance sous la forme de forces de hurlement a une certaine intensité. Si nous éduquons l'enfant par ce que nous sommes nous-mêmes de façon à ce qu'il devienne un être moral ces forces de hurlement de sa première enfance s'extériorisent plus tard sous la forme de forces intensivement morales. L'adulte témoigne plus tard d'une forte intensité morale qui se manifestait dans l'enfance sous la forme de hurlements intensifs. Bien sûr, si nous sommes immoraux en sa présence, ne serait-ce qu'en pensée, alors ces forces de hurlement s'extériorisent aussi plus tard sous forme d'intensité immorale.
Mais, grâce à ses explications, on pourra apprécier de façon juste ce dont il s'agit. Et l'essentiel est que nous ne nous laissions par exemple pas entraîner par un faux instinct — ce n'est en réalité même pas un instinct, mais c'est une habitude acquise par certains préjugés — comme le font des nourrices et des bonnes d'enfants pas encore élevées, si j'ose m'exprimer ainsi, qui montrent à l'enfant ce qu'il ne doit en réalité pas du tout imiter, que nous ne tentions pas de nous comporter nous-mêmes de façon infantile et de bêtifier en sa présence, de parler dans un langage aussi infantile que possible. L'enfant fera bien de lui-même la traduction selon ses possibilités. Nous faisons injure à l'enfant lorsque, par exemple, nous apprêtons spécialement notre langage. Car l'enfant veut imiter celui qui est près de lui, avec lequel il est dans un certain rapport, dans ce qu'il fait par sa nature. Mais l'enfant refuse au fond intérieurement tout ce qui est mis en œuvre par la volonté de l'éducateur, comme par exemple le langage enfantin, naïf, que nous adoptons en sa présence. Il est contraint de subir ce langage mais éprouve à son égard une profonde antipathie intérieure qui provoque au fond, pour toute la vie ultérieure, une faiblesse de la digestion. De sorte que bien des symptômes qui amènent à diagnostiquer dans la vie ultérieure une faiblesse de la digestion révèlent leurs causes véritables lorsque l'on apprend que cette personne a eu dans sa toute petite enfance une bonne d'enfants qui bêtifiait.
Voilà donc quelques principes qui sont nécessaires pour le premier tiers de la première grande période de la vie, pour les deux premières années et demie de l'enfance.
Quand l'enfant a atteint les deux ans et demi environ, son organisation de la tête en est arrivée au point où la partie du corps de forces formatrices du corps éthérique, qui est occupée pendant ces premières années de l'enfant à modeler cette tête se libère. Et cette libération rencontre un autre processus de libération qui se produit peu à peu et concerne jusque vers la cinquième année le corps éthérique de la poitrine. La respiration, la circulation sanguine se libèrent alors jusqu'à un certain point des forces éthériques qui se trouvaient encore en elles. Et en l'enfant qui a maintenant appris à parler, qui a appris à marcher, on voit alors unir leur action : ce qui s'est libéré de l'organisme de la tête sous forme de forces psycho-spirituelles et qui vient vibrer en harmonie avec ce qui se libère peu à peu dans l'organisme de la poitrine. Et ceci apparaît dans la formation spécifique de cette mémoire enfantine vivante que l'on voit précisément se développer du milieu de la troisième année jusqu'aux environs de la cinquième année et qui agit surtout dans ce que je viens de vous décrire : la formation, le développement de cette si singulière imagination enfantine.
Cette interaction entre la mémoire modelée par les forces de l'âme et l'imagination modelée par les forces de l'âme doit être tout particulièrement prise en considération par le maître et éducateur en cette période de la vie. Car l'enfant est et reste un être d'imitation. Et, en particulier en ce qui concerne la mémoire en formation, la faculté du souvenir, il faut être au clair sur le fait que l'on doit autant que possible s'en remettre à l'enfant lui-même, que l'on ne fait pas bien d'apprendre quelque chose à l'enfant pendant cette période de la vie en escomptant qu'il s'en souvienne. Il doit assimiler ce dont il veut se souvenir en se dirigeant de façon entièrement libre vers ce dont il veut se souvenir. Surtout ne rien faire à cet âge avec l'enfant qui ressemble de près ou de loin à des exercices de mémoire ! Celui qui impose à un enfant entre la deuxième et la cinquième années quelque chose qui tend à cultiver la faculté d'attention et de mémoire ne tient pas compte d'un aspect que l'on peut observer quand on considère le cours de la vie tout entière.
On rencontre bien des gens qui vous disent, lorsqu'ils ont atteint quarante ans ou plus, qu'ils ont mal dans les jambes ou dans les bras, qu'ils ont des rhumatismes. Cela peut certes provenir de toutes sortes de causes : mais il existe tout à fait des cas où, si l'on poursuit assez loin l'examen des causes, on en vient à constater que ces rhumatismes, ces douleurs dans les membres, proviennent d'une surcharge de la mémoire dans ces premières années de l'enfance.
Il faut bien dire que les liens entre les phénomènes de la vie sont vraiment très compliqués et que seul celui qui prend la peine de chercher à connaître ces liens entre les phénomènes de la vie peut aussi développer en soi, qu'il veuille être éducateur ou en général guider l'être en devenir, l'amour véritable qui est pourtant bien le meilleur et même le seul moyen d'éducation.
Mais il faut aussi bien prendre soin de l'imagination enfantine, car elle veut s'appliquer à des objets extérieurs, à savoir les jouets ou tous les jeux avec d'autres enfants. Tout ce que l'enfant cherche à faire dans le jeu, c'est de mettre en œuvre cette forme particulière d'imagination qu'il possède entre deux ans et demi et cinq ans. Celui qui a une sorte de don d'observation pour ces choses peut prévoir, d'après les tendances particulières que l'enfant développe pendant qu'il joue, bien des aspects de sa disposition d'âme ultérieure, de son caractère etc. ; dans quelle mesure un être humain se montrera compétent dans telle ou telle direction, on peut le lire dans la façon dont l'enfant joue. Il s'agit seulement qu'on acquière réellement la compréhension de ce que l'on doit apporter au fond comme nourriture à l'imagination de l'enfant. Les différentes époques le font selon les façons particulières dont elles comprennent cela.
Je ne sais pas s'il en est également ainsi à l'Ouest, mais en Europe du Centre surgit à une certaine époque une véritable épidémie : on faisait cadeau à tous les enfants de boîtes de constructions, tout particulièrement au moment de Noël. Ils devaient construire une horreur quelconque en assemblant différentes formes de cubes, des éléments isolés en forme de parallélépipède. C'est une chose qui agit vraiment très profondément sur l'enfant à cet âge, précisément sur l'évolution de l'activité imaginative, car cela développe le sens de l'atomisation, du matérialisme, cela développe la faculté de constituer un tout à partir d'éléments isolés, alors qu'on agit dans le sens de la véritable vie pratique lorsqu'à cette époque on favorise non la faculté intellectuelle, la faculté d'assembler les éléments, la faculté de construire à partir d'atomes, mais l'imagination intérieurement vivante et active de l'enfant qui vient tout juste d'abandonner ce qui est un travail tout aussi actif, intérieurement tout aussi vivant : modeler de manière plastique le cerveau. Il faut donc tenter le moins possible de faire entrer cette imagination dans des formes aux contours rigides et achevés.
Supposons que nous avons deux éducatrices qui doivent éduquer des enfants de deux ans et demi à cinq ans. L'une d'elles - il se peut qu'elle aime beaucoup l'enfant - donne à celui-ci, pour peu que ce soit une fillette, une poupée, une « belle poupée », avec, si possible, non seulement les joues peintes ou des cheveux, mais qui a peut-être de plus les yeux qui bougent, qui bouge la tête : je crois même que certaines poupées parlent. Elle donne donc cette poupée à l'enfant. L'enfant n'a plus rien à produire à partir de son imagination qui aspire à rencontrer quelque chose de mobile. On enferme toute cette imagination entre les barreaux étroits d'une forme qui est de surcroît une horreur. L'autre éducatrice, qui est peut-être un peu plus sensée, prend un vieux chiffon que l'on ne peut plus utiliser à rien d'autre, fait en haut un nœud avec un bout de fil pour faire apparaître quelque chose qui ressemble à une tête, fait éventuellement dessiner par l'enfant deux points noirs ou d'autres points encore qui figurent les yeux, le nez, et la bouche, et l'enfant - parce que cela stimule son imagination, parce qu'il peut encore en faire quelque chose, parce que cela n'enferme pas son imagination dans des formes, des contours précis, a ainsi intérieurement une vie bien plus active, encore bien plus intime qu'avec la prétendue belle poupée. Les jouets doivent laisser autant qu'il est possible libre cours à l'imagination. Et comme l'intellect n'est pas l'imagination, assembler toutes sortes de choses n'est pas précisément ce qui convient à la qualité particulière de l'imagination enfantine à cet âge.
Ce qui suscite le sentiment d'une vie intérieure est toujours préférable. Un livre d'images, par exemple, ayant des personnages découpés, non pas laids, mais peints avec goût, que l'on peut faire bouger par en bas grâce à des fils, si bien que ces personnages accomplissent toutes sortes d'actions, échangent des caresses ou des coups et que l'enfant peut faire naître pour lui, à partir de ce qu'il y voit, des drames entiers, est un jouet extrêmement bon pour un enfant. Et les jeux libres où les enfants évoluent librement entre eux ne doivent pareillement pas être trop strictement enfermés dans des cadres, mais aller autant que possible dans le sens de la libre imagination de l'enfant. Comme vous le voyez, ceci découle d'une véritable connaissance de l'être humain et on assimile ce qui est nécessaire aussi pour la pratique de la vie lorsqu'on est dans un véritable travail d'enseignement et d'éducation.
Quand l'enfant va vers sa cinquième année, la partie de son corps éthérique qui assure la vie de l'organisation de la respiration, de la circulation sanguine s'est libérée. Et la partie du corps de forces formatrices qui se trouvait emprise dans l'organisme du métabolisme et des membres s'efforce peu à peu jusqu'au changement de dentition de s'en dégager. Ainsi commencent déjà peu à peu à s'animer, au plan de l'âme et de l'esprit, ces forces qui ne naissent en réalité pleinement qu'après la septième année et que de ce fait nous étudierons à part ultérieurement. Mais elles envoient déjà leur lumière dans cette troisième et dernière partie de la première grande période de la vie. C'est précisément par les forces psycho-spirituelles qui se libèrent de sa poitrine que l'enfant devient accessible aux exhortations et remontrances, à ce qui vient de l'autorité, à ce que l'on doit croire. Auparavant, l'enfant n'est pas porté à croire, n'a pas le sens de choses qu'il doit faire, mais a seulement le sens de l'imitation.
On ne peut donner à l'enfant que vers la cinquième année la notion de devoir moral. Si nous prenons en considération le fait que l'enfant est pendant cette grande période de sa vie et jusqu'au changement de dentition un être d'imitation et ne parvient que peu à peu à conquérir un usage encore limité de son imagination et de sa mémoire, de la croyance morale, du sentiment du respect de l'autorité de l'adulte, surtout de l'éducateur avec lequel il est en rapport, alors nous éduquerons de façon juste à partir de cet état d'esprit que nous aurons acquis par une telle compréhension et, à cet âge de la vie en tout cas, nous n'enseignerons pas encore. Là aussi, il est toujours bien douloureux pour moi de constater que l'on institue déjà la sixième année comme âge de la scolarité obligatoire. Ils ne devraient en réalité être amenés à l'école que dans leur septième année. J'ai toujours été particulièrement content - vous pouvez, si vous voulez, m'accuser de barbarie - lorsque, dans des familles d'anthroposophes, des enfants ne savaient à huit ans vraiment ni lire ni écrire ; car ce que l'on ne peut bien dominer que plus tard en ayant les forces pour cela et sans ruiner son organisation physique, il ne faut pas forcer l'enfant à l'ingurgiter à cet âge précoce de la vie.
Ces prochains jours, je vous dirai comment nous tentons de mener l'éducation des enfants lorsqu'ils nous arrivent à l'École Waldorf sans que l'être humain en subisse de dommage. Pour commencer je vous présenterai demain en introduction le lieu se déroule le travail de l'École Waldorf, en paroles seulement, bien sûr. (...)
Rudolf Steiner
[Texte en gras ou souligné : SL]
Notes
[1] Rudolf Steiner, « La philosophie de la liberté », GA004
[2] Rudolf Steiner, « Le Karma, considérations ésotériques », volume 1 à 6 GA 235, 236, 237, 238, 239, 240 (Éditions anthroposophiques romandes)
[3] Karl Ludwig von Knebel, 1744-1834
[4] Oskar Pfungst : « Das Pferd des Herrn von Osten (Der kluge Hans). Ein Beitrag sur exprimentellen Tier und Menschen Psychologie » avec une introduction du professeur C. Stumpf, Leipzig 1907, et « Der Streit um de rechnenden Pferde », conférence faite à la société de Psychologie de Münich par Max Ettlinger le 27/02/1913.
Note de la rédaction
[i] Dans la traduction française on trouve aux Éditions anthroposophiques romandes, les mots « le guide spirituel » pour la traduction de « der geistige Leiter ». Formellement la traduction est juste. Toutefois elle présente l’inconvénient de faire penser au concept d’un « Gourou », ou autre notion analogue, qui amène à croire qu’il faudrait se soumettre à la personne qui déploie telle ou telle connaissance, ou faculté de connaissance. Il n’en n’est rien dans le cas de Rudolf Steiner : il est sollicité pour donner des conseils et délivrer des connaissances auprès des enseignants de l’école Waldorf, sans l’intention d’exiger une quelconque soumission, comme pourraient le faire certains gourous. Les enseignants et organisateurs de l’école demeurent libres de leurs actes. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement dans ce contexte ? Il nous semblait dès lors plus judicieux d’utiliser le mot « leader spirituel » qui semble atténuer quelque peu l’illusion de croire qu’il s’agirait ici d’une quelconque soumission spirituelle, même si cette dernière formulation demeure, elle aussi, encore insatisfaisante.
Le fait est que Rudolf Steiner communique des contenus de connaissance qui constituent l’impulsion spirituelle « directrice » de toute la pédagogie Waldorf, qui ne peut toutefois être (progressivement) comprise, qu’à la condition expresse que des personnes déploient un penser actif et libre à partir de leur être intime. Sans cette activité intérieure libre et active, les contenus partagés par Rudolf Steiner demeurent tout simplement incompréhensibles et ne sauraient de ce simple fait, s’imposer en quoi que ce soit.
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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