Travaux manuels dans la première école Waldorf vers 1920
Extrait de la huitième conférence du livre
« Bases de la Pédagogie - Cours aux éducateurs et enseignants »,
Rudolf Steiner - Dornach, le 30 décembre 1921
Éditions Anthroposophiques Romandes 1988, GA303
Traduction : Geneviève Bideau
(...) Vous comprendrez qu'une école telle que l'École Waldorf, même si elle doit suivre en général le principe de faire découler le plan scolaire, les objectifs scolaires de ce qui existe comme connaissance de l'être humain, ne peut cependant pas être instituée dans le sens d'un idéal. Il faut faire les compromis les plus divers, car il est vraiment impossible d'élever et d'éduquer aujourd'hui un enfant absolument comme on pourrait enseigner d'après un idéal abstrait, par exemple d'après l'idée de l'École Waldorf. Il se trouverait placé dans la vie d'une façon telle qu'il ne s'adapterait tout simplement pas à la vie. Il est relativement facile de critiquer de la façon la plus variée la vie de notre époque actuelle. Bien des choses peuvent ne pas vous y plaire et on peut se complaire en critiques toutes plus pertinentes et plus spirituelles les unes que les autres sur tout ce qui devrait être autrement. Mais on ne peut pas éduquer des êtres humains qui, lorsqu'ils quittent l'école et entrent dans la vie, n'ont de sens que pour critiquer ce qui dans la vie n'a pas de sens. Aussi imparfaite que puisse paraître la vie à une critique intellectuelle abstraite, il faut être dans la vie. Il faut certes laisser partir les élèves Waldorf dans la vie — sinon l'École Waldorf n'aurait pas de sens —, en ayant tenu compte de ce qui fait d'eux des êtres humains plus que ce n'est le cas sinon à notre époque actuelle, mais il ne faut pas en faire des êtres étrangers à la vie de leur époque au point qu'ils se posent seulement en criticaillons étrangers à la vie. Voilà ce que je veux dire. Et c'est pourquoi il a fallu dès le début faire les compromis les plus divers, même en ce qui concerne le plan scolaire et les objectifs d'enseignement. On n'a pu tenter que ce qui était possible. J'ai pour cette raison rédigé dès la fondation un memorandum[1] qui fut ensuite présenté aux autorités scolaires et qui disait à peu près ceci : depuis l'entrée de l'enfant à l'école, de la sixième ou septième année jusqu'à la fin de sa neuvième année, donc jusqu'à la fin de la troisième année d'école environ, l'enseignement que reçoit l'enfant en rapport avec les différents âges est déterminé de façon aussi libre que possible par ce que l'on juge être juste. La répartition de la matière d'enseignement, la fixation des objectifs scolaires sont laissés à la libre appréciation du maître ou plutôt du collège des professeurs qui est institué et agit tout à fait en tant que représentant de l'école. On accorde du reste une grande importance à ce que non seulement chaque professeur connaisse ses enfants, mais à ce que puissent s'instaurer entre le collège des professeurs et les enfants des liens divers qui débordent aussi sur les moments où il n'y a pas cours et que tels ou tels enfants aillent également demander conseil au professeur qui leur convient, etc. C'est une véritable joie que de venir à l'École Waldorf et de voir combien les élèves se sentent en confiance avec leurs professeurs dans les intercours et même lorsqu'il n'y a pas cours.
Donc, pendant cette période qui s'écoule à partir de la sixième, septième année jusqu'à la neuvième, dixième année, l'enseignement est dispensé selon les principes. Mais on s'efforce en même temps de faire en sorte que chaque enfant en soit à la fin de la troisième classe au point de pouvoir aussi entrer en quatrième classe d'une autre école. Si bien que l'enfant n'est pas mis en dehors de la vie, mais qu'on lui donne quelque chose qu'il a en plus des autres sans que toutefois cela l'empêche de trouver le contact avec la vie telle qu'elle est par ailleurs.
On veille également à ce que, dès neuf ans révolus, de la troisième classe, jusqu'à la douzième année, la fin de la sixième classe, l'enseignement respecte très strictement le principe que l'enfant soit de nouveau en mesure, à la fin de la douzième année, de pouvoir entrer dans une autre école, à peu près en septième classe et de pouvoir bien suivre. Il a fallu faire un compromis, parce que nous ne voulons pas être des fanatiques, mais que nous voulons être des hommes tenant compte de la pratique face aux aspirations de l'École Waldorf. Et lorsqu'arrive à quatorze ans la fin de l'école primaire, l'enfant doit pouvoir entrer dans les classes correspondantes du lycée classique ou moderne etc., dans toutes ces belles institutions qui existent, si bien qu'on tient réellement compte de ce que je viens d'indiquer.
Or nous nous efforçons de poursuivre l'édification de l'École Waldorf — après avoir tout d'abord fondé une école primaire complète où se trouvent des enfants jusqu'à la quatorzième année révolue, nous ajoutons chaque année une nouvelle classe — jusqu'à ce que nous parvenions au point où parviennent les jeunes gens lorsqu'ils ont achevé le lycée classique ou moderne et veulent donc entrer à l'université ou dans une école supérieure.
Il nous faut là organiser l'ensemble de l'éducation et de l'enseignement de façon à ce que les jeunes gens puissent passer ce qu'on appelle Maturité en Autriche, Abitur en Allemagne[2]. Dans d'autres pays, toutes ces belles choses portent encore d'autres noms. Mais en tout cas les enfants doivent être menés assez loin pour pouvoir ensuite entrer dans une université. Nous n'avons pas encore la possibilité de fonder nos propres universités, car tout ce que nous faisons dans cette direction a partout un caractère absolument privé. Aucun État en effet ne nous autoriserait à délivrer dans les universités que nous fonderions des diplômes valables pour des examens qui n'auraient pas eu lieu ; car nous n'organiserions naturellement pas d'examens.
Nous sommes donc bien contraints d'aménager le plan scolaire réel de l'École Waldorf en faisant des compromis et il n'est absolument pas question de nier ce fait. Mais ce dont il s'agit, c'est qu'on introduise dans ce cadre tout ce qu'il est possible de l'esprit que j'ai caractérisé plus haut. (...)
Rudolf Steiner
[Texte en gras ou italique : SL]
Notes
[1] Rudolf Steiner : « Introductions » in « Réunions avec les professeurs de l’école Waldorf », GA300 (non traduit)
[2] Ce sont les équivalents du Baccalauréat en France.
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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