Extrait de la huitième conférence du livre
« Bases de la Pédagogie - Cours aux éducateurs et enseignants »,
Rudolf Steiner - Dornach, le 30 décembre 1921
Éditions Anthroposophiques Romandes 1988, GA303
Traduction : Geneviève Bideau
(...) J'ai ainsi été une fois en mesure d'observer de manière extrêmement nette le rôle très important que joue le contact naturel qui s'établit entre le maître et l'élève par les diverses dispositions de caractère des élèves et des maîtres ou éducateurs. On peut le dire en effet : à la façon dont le maître franchit le matin le portail de l'école, pénétré de tout l'esprit de la pratique scolaire, selon que les enfants éprouvent à son égard des sentiments de sympathie ou d'antipathie, c'est tout cela qui fait que les enfants profitent ou non de l'enseignement. Et on peut même se poser la question de savoir lequel est le plus utile : un maître négligent, qui n'a pas le moindre principe d'éducation juste ou un maître qui veut appliquer d'excellents principes pédagogiques et didactiques terriblement justes, mais abstraits et ne débouchant pas sur la pratique de la vie. De tels principes, il y en a aujourd'hui plus qu'il n'en faut. Ce n'est pas par dérision que je dis qu'ils sont pleins d'esprit, on peut même discuter d'un tel qualificatif, mais quand entre dans la classe un maître négligent, indolent, qui répand cependant par tout son être de l'amour sur sa classe, les enfants ne deviendront certes peut-être pas particulièrement raisonnables, mais ils emportent dans la vie un acquis plus utile que lorsqu'un professeur qui suscite par tout son être de l'antipathie entre dans la classe avec d'excellents principes d'éducation et veut enseigner son affaire aux enfants. On peut alors constater qu'à cause précisément de ces excellents principes d'éducation, lorsque la vie du maître suscite l'antipathie, les enfants en retirent pour toute la vie ultérieure ce que l'on appelle aujourd'hui une terrible nervosité.
Toutes ces choses peuvent et doivent être discutées lorsqu'on prend au sérieux l'art de l'enseignement et de l'éducation. Et c'est pourquoi je me suis trouvé un jour en présence d'un cas particulier qui sera naturellement jugé par plus d'un comme quelque chose d'abominable. Un jour où je me trouvais justement à l'école, on me raconta qu'on n'arrivait absolument pas à ramener à la raison un garçon d'une classe, qu'il avait fait toutes sortes de mauvais coups et que les professeurs de la classe ne savaient pas qu'en faire. Je fis venir ce garçon et voulus voir ce qui se passait au juste avec ce garçon. Vous reconnaîtrez que dans beaucoup d'écoles on infligerait pour un cas de ce genre une sérieuse correction ou peut-être une punition un peu moins rude ou quelque chose de ce genre. Eh bien, j'examinai ce garçon avec soin et le résultat de mon examen fut que je le fis monter de la classe où il était dans la classe au-dessus : telle fut sa punition. Eh bien, depuis je n'ai entendu personne se plaindre. Son professeur confirme qu'il est même maintenant un garçon modèle. Il semble bien que tout soit maintenant en ordre et c'est bien ce qui importe au fond.
Vous voyez, l'essentiel est d'avoir une vue juste de l'intériorité de l'enfant et de la nature enfantine. On ne pouvait absolument pas établir le contact entre ce garçon et son professeur de classe et comme l'intelligence de ce garçon permettait qu'on le mette dans la classe supérieure, qu'il n'existait pas de classe parallèle, il fallait prendre cette mesure-là. Le mettre dans la classe inférieure lui aurait causé un tort radical.
Si donc on considère en toutes ces choses le bien et le développement de l'être humain, cela donne la pratique juste de l'enseignement et de l'éducation. Et c'est pourquoi il faut toujours présenter les faits particuliers à titre, aimerais-je dire, de symptôme. L'École Waldorf, nous ne voulons absolument pas le nier, repose tout à fait sur des compromis dans bien des domaines ; mais on y éduque et on y enseigne dans le sens d'une véritable connaissance de l'être humain autant qu'il est possible de nos jours.(...)
Rudolf Steiner
[Texte en gras ou italique : SL]
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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