Extrait de la deuxième conférence du cycle « L’Évangile de Jean dans ses rapports avec les autres Évangiles »
Cassel, 25 juin 1909
Rudolf Steiner – GA112
Traduction : non connue
(Ancienne édition aux Éditions Triades - Année non connue)
Le livre complet (sous une autre traduction, plus récente peut être trouvé ici : GA112 aux éditions anthroposophiques romandes
(cette dernière traduction est nettement améliorée ; la présente traduction ci-dessous est parfois relativement peu fidèle au texte en allemand)
Note de la rédaction : Ce que recouvre la notion de « chronique de l’Akasha » selon Rudolf Steiner, est explicité plus bas dans le présent article. La totalité de la conférence dont est extrait le présent passage peut être écoutée au format podcast ici. |
(...) Jacob Bœhme[i] surprit son entourage, un jour qu’il parlait d’événements très reculés, et d’Adam même, comme s’il avait été témoin des faits. « Étiez-vous donc présent au temps d’Adam ? » lui dit-on. « Oui, j’étais présent ! » Affirmation qui ne doit pas étonner celui qui connaît la science de l’esprit. Car l’occultisme peut en effet observer par la vue de l’esprit tout ce qui s’est passé, même aux âges les plus reculés. En matière d’introduction, je voudrais expliquer en quelques mots sur quoi ce fait repose.
Tout ce qui se passe dans le monde physique et sensible a son écho dans le monde spirituel. Le mouvement de la main n’existe pas simplement tel qu’on le perçoit, mais derrière la main sensible que nous voyons se trouve par exemple : la pensée et la volonté qui font mouvoir cette main. Pendant le moment furtif de l’impression sensible, l’image spirituelle s’inscrit dans le monde spirituel où demeure toujours gravée son empreinte ; de sorte que lorsque nous avons la vue clairvoyante, nous pouvons suivre tous les événements qui se sont passés dans le monde visible grâce aux empreintes qu’ils laissent dans l’invisible. Rien ne peut arriver en ce monde sans laisser d’empreinte.
Supposons que le regard clairvoyant parcoure la suite des temps jusqu’à Charlemagne ou même jusqu’à l’époque romaine ou grecque. Tout ce qui s’est passé est resté fixé dans ces images et peut y être trouvé. Cette vision est nommée : « La lecture de la chronique akashique », lecture vivante que peut faire l’œil spirituel. Aussi, lorsque l’investigateur décrit les événements de Palestine ou les observations faites par Zoroastre, il ne décrit pas ce qui se trouve dans la Bible ou les Gathas, mais ce qu’il sait lire lui-même dans la chronique de l’Akasha. Et ensuite il recherche si ce qu’il a déchiffré se trouve aussi dans les documents, pour le cas présent dans les Évangiles.
Ainsi l’investigation occulte est absolument indépendante des documents et c’est pourquoi elle ne cherche en eux que sa confirmation. Quand nous rencontrons dans les documents les mêmes faits que nous avons pu suivre dans la Chronique akashique, il en résulte pour nous que ces documents contiennent la vérité et ensuite que celui qui les a écrits pouvait également voir et lire dans l’Akasha. Nous allons illustrer cela en étudiant un chapitre spécial de l’évolution humaine : l’Évangile de Jean et ses rapports avec les autres évangiles. Il ne faudrait pas s’imaginer que la chronique akashique ressemble à l’écriture du monde ordinaire. Elle est plutôt comme une inscription vivante.
Supposons par exemple que le clairvoyant porte ses regards vers l’époque de César. Les différents actes que César accomplit sur le plan physique ont été vus par ses contemporains. Tout cela a laissé des traces dans la chronique akashique. Mais le clairvoyant voit ces actes comme des ombres spirituelles. Rappelez-vous la comparaison du mouvement fait par la main. L’image qui impressionne la vue physique n’est pas perceptible au voyant, mais l’intention de mouvoir la main, les forces invisibles qui ont produit le mouvement de la main seront toujours visibles pour lui. C’est ainsi que tout ce qui existait dans la pensée de César demeure visible ; ses intentions ont produit tel ou tel mouvement, l’ont porté vers tel ou tel combat. Tout ce que ses contemporains ont vu est sorti de l’impulsion de sa volonté et a été réalisé grâce aux forces cachées derrière les images physiquement visibles. Ces forces, cachées elles-mêmes derrière les images physiques, sont perçues par le voyant dans la chronique de l’Akasha comme une image spirituelle de César.
On pourrait dire : « Vos récits ne sont que des rêves ; vous connaissez par l’histoire ce que César fit autrefois et vous croyez par votre puissante imagination voir quelques invisibles images. » Mais celui qui connaît ces choses sait qu’il est d’autant plus facile de lire la chronique akashique qu’on connaît moins l’histoire extérieure. Car cette connaissance de l’histoire extérieure est une entrave pour le voyant. Quand nous arrivons à un certain âge, nous sommes encore sous la dépendance d’habitudes que notre éducation nous a données. Le voyant arrive, lui aussi, imbu des idées de l’éducation de son époque, au moment où va naître son « Je » clairvoyant. Il a appris l’histoire, la géologie, la biologie, etc. Tout cela est une entrave pour la clairvoyance et peut lui inculquer mille préjugés à l’égard des choses qu’il pourra lire dans la chronique de l’Akasha. Car il ne faudrait pas chercher dans l’histoire extérieure la même objectivité et la même exactitude des faits que celles que nous trouvons dans la lecture de la chronique akashique.
Recherchons de quoi peut dépendre en ce monde que telle ou telle chose devienne de « l’histoire ». Un fait se passe ; il en est resté certains documents, tandis que d’autres faits, et peut-être plus importants, n’ont pas laissé de traces. Un exemple nous montrera combien ce qui est historique est incertain.
Parmi plusieurs esquisses poétiques de Gœthe qui sont restées inachevées et qui deviennent, pour ceux qui cherchent à étudier Gœthe de plus près, un beau complément à l’œuvre magnifique qu’il nous a donnée, parmi ces ébauches se trouve donc un fragment d’un poème sur Nausicaa[ii]. Il n’en subsiste que de rares ébauches où il avait inscrit comment il voulait faire ce poème. Deux hommes ont essayé de faire, après lui, un poème de Nausicaa : l’historien littéraire Scherer[iii] et Hermann Grimm[iv]. Grimm qui n’est pas seulement un savant, mais un penseur plein d’imagination, est l’auteur d’une vie de Michel-Ange et d’écrits sur Gœthe. Il s’est dit : étant donné le caractère de Gœthe, comment aurait-il représenté une figure de l’Odyssée telle que Nausicaa ? Il a construit ainsi dans le style de Gœthe un poème qui marque un certain mépris des documents historiques. Scherer, qui s’en tenait uniquement à ce qui est écrit en noir sur blanc, s’est dit qu’on ne pouvait faire une Nausicaa au sens de Gœthe qu’en partant des notes laissées par le poète. Il essaya donc de refaire ce poème, mais en prenant seulement pour base les notes éparses. Grimm lui objecta : supposons que le valet de chambre de Gœthe ait brûlé quelques-unes de ces notes importantes, quelles garanties avons-nous qu’elles n’étaient pas plus précieuses que celles que nous tenons ?
Quand on se fonde sur des documents, il ne faudrait jamais perdre de vue que ce sont peut-être les plus importants qui ont disparu. C’est pourquoi l’Histoire ne nous offre rien qu’une « fable convenue ». Quand le clairvoyant conserve cette fable dans son esprit et qu’il constate dans l’Akasha que les choses se sont passées tout différemment, il a de la difficulté à croire l’image akashique. Et le public non initié n’admet pas ce qu’il relate d’après la chronique akashique, lorsqu’elle diffère de l’histoire courante. Celui qui connaît ces choses préfère donc raconter les faits des époques passées dont il ne subsiste aucun témoignage, par exemple les états d’évolution de notre terre qui se sont écoulés depuis longtemps. La chronique akashique les rend d’autant plus fidèlement que le voyant est moins gêné par l’histoire extérieure. Vous voyez que l’Akasha ne peut pas être un simple écho des faits connus extérieurement. (...)
Rudolf Steiner
[Texte en gras : SL]
Notes de la rédaction
[i] Jakob Böhme, ou Jacob Boehme, surnommé le Philosophus Teutonicus, né le 24 avril 1575 à Alt-Seidenberg (Görlitz) et mort le 17 novembre 1624 à Görlitz (électorat de Saxe), est un théosophe allemand de la Renaissance, cordonnier de son état.
On trouve ce passage dans le Mysterium Magnum (« le Grand Mystère », 1623), chapitre 18 :
« Je sais bien que le sophiste va me blâmer et proclamer que c'est de ma part un savoir impossible du fait que je n'étais pas présent et que je n'ai pas vu cela moi-même. A cela il faut répondre que moi, dans mon essence d'âme et de vie, comme je n'étais pas encore moi mais que j'étais l'essence d'Adam, j'étais présent et ma gloire je l'ai perdue en Adam lui-même. Mais puisque le Christ me l'a rendue, je vois dans l'esprit du Christ ce que j'ai été au paradis, ce que je suis devenu dans le péché, et ce que je dois devenir à nouveau, et que personne ne nous proclame ignorant, car, quoique je ne le sache pas, le Christ en moi le sait, il sait à partir de quelle science je dois écrire ».
[ii] Esquisses publiées dans l'édition de Weimar des œuvres de Goethe, dite édition de la grande-duchesse Sophie.
[iii] Wilhelm Scherer, 1841-1886.
[iv] Hermann Grimm, 1828-1901.
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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