Extrait du cycle de conférences « Nature et destin de l'homme - Évolution du monde »
4ème conférence - Christiana (Oslo), 19 mai 1923
Rudolf Steiner – GA226
NDLR : Cet extrait est situé à la fin d'une conférence, laquelle décrit de manière magistrale comment se constitue le destin de l'être humain entre la mort et une nouvelle naissance, ainsi que les premières phases de la vie incarnée qui en découle. Il s'agit de la 4ème conférence de ce cycle. On saisit encore plus pleinement le sens de l'extrait de conférence ci-dessous, toute sa profondeur et son caractère génial, précisément lorsqu'on étudie aussi tout ce qui le précède, à savoir les trois conférences précédentes, et la quatrième. On peut écouter ce cycle de conférence sous forme de podcast ici. Malheureusement, à la suite de soucis techniques, l'enregistrement des premières conférences de ce cycle est d'une qualité audio plus faible. |
(...) Les humains étudient les diverses passions, les instincts et les pulsions, ce qui plaît ou déplaît, ce qu'on fait ou ne fait pas selon la sympathie ou l'antipathie de l'instant. Je ferais de même en disant : Je vois devant moi d, i, e, u, c, o, n, d, u, i, t, 1, e, m, o, n, d, e.- Je ne vois que les lettres. Et quelqu'un viendrait me dire : Ce sont des lettres qui signifient : Dieu conduit le monde. - Telle est la différence entre la science ordinaire et la science de l'esprit. La psychologie courante peut voir les lettres. Elle observe la vie humaine, elle constate les instincts de l'enfant, ses désirs, elle les classe comme quelqu'un qui ne saurait qu'épeler, et il en va ainsi toute la vie. Celui qui comprend la science de l'esprit sait lire. Il voit à travers la surface des choses ce qui est au fond, il discerne les chemins tracés par le destin.
Entre la psychologie aujourd'hui encore officiellement admise et la véritable connaissance de la vie de l'âme, il y a la même différence qu'entre épeler et lire. Mais on est difficilement compris sur ce point parce qu'on ne peut pas dire : Vous êtes dans l'erreur. - A celui qui épelle d, i, e, u, on ne peut pas dire que ce qu'il énonce est faux - car c'est tout à fait juste. Mais lui, parce qu'il ignore qu'on peut lire, traitera son interlocuteur d'insensé en disant : Je vois seulement d, i, e, u, et vouloir assembler ces lettres est une folie. - Il ne peut pas comprendre qu'il est possible de lire.
Il faut donc toujours dire à celui qui met en avant la psychologie officielle : Vous avez tout à fait raison. L'anthroposophe dit au savant, au psychologue : Vous avez raison en effet. - Il ne les contredira pas, il leur donnera raison. Mais eux lui diront : Quand tu parles des instincts, des pulsions, des passions, comme de lettres que l'on peut lire, tu te comportes en insensé. - C'est là qu'est la difficulté. L'anthroposophe peut très bien comprendre les autres, il ne les contredit pas, il n'engage aucune polémique. Seulement, quand on commence à le traiter de fou, il est obligé de dire que ce n'est pas juste, d'autant que lui-même admet ce que les autres avancent. Il ne peut cependant se rallier au principe selon lequel n'existent que les choses que l'on voit. Car le fait d'être visible n'est pas le critère. Il faudrait d'abord pouvoir s'assurer que l'autre voit effectivement quelque chose.
Lorsqu'on se place sur le terrain de l'anthroposophie, on doit bien comprendre la situation difficile qu'elle occupe en face des autres conceptions du monde. À celui qui n'arrive pas à cesser d'épeler les instincts, les pulsions, les passions et les tempéraments, on peut dire qu'il n'est qu'un demi-ilote, à moitié ignorant, puisqu'il ne peut s'élever plus haut ; mais on ne peut pas dire qu'il a tort.
L'entente ne se fera entre l'anthroposophie et la science extérieure que le jour où celui qui sait épeler aura la volonté d'apprendre à lire. Sinon, il est impossible de s'entendre, et les controverses habituelles sont vaines. Bien peu d'adveraires de l'anthroposophie s'en rendent compte. Et je vous en parle ici parce que je tiens cela pour nécessaire.
Voyez-vous, les adversaires de l'anthroposophie sont maintenant, pourrait-on dire, chaque mois plus nombreux. Mais comme ils ne peuvent nulle part passer à l'attaque, que l'anthroposophie leur donne raison, bien qu'eux ne veuillent pas lui rendre justice, ils ne peuvent guère s'en prendre à ce que dit l'anthroposophe. Alors ils s'attaquent à la personne, ils calomnient et répandent des mensonges. C'est, hélas, la forme que prend la polémique. Et il est important de savoir cela.
Il existe déjà aujourd'hui des livres très curieux contre nous. Ceux d'entre vous qui connaissent la littérature anthroposophique ont pu voir que je mentionne toujours là où il faut les objections qu'on peut faire à ce que je dis. Je fais moi-même de la polémique, afin de montrer comment on peut éliminer les objections. On trouve donc dans mes livres des contre-arguments, et il existe aujourd'hui des adversaires qui s'emploient à copier ces objections exposées par moi-même et les répandent contre nous. Vous trouverez ainsi des pamphlets qui sont des plagiats de mes livres. On y a reproduit les objections possibles que je signale moi-même. C'est d'autant plus facile pour l'adversaire que le travail est déjà tout fait. Car l'anthroposophe doit toujours exposer lui-même les arguments contre l'anthroposophie.
Mais rien de tout ceci n'est une critique à l'égard des adversaires. J'ai seulement voulu montrer que tout homme qui sait épeler l'alphabet de la vie peut s'élever jusqu'à la lecture. Épeler, c'est voir ce qui est à la surface : les instincts, les désirs, les passions, la vie animale, ce qui n'a de valeur que pour l'instant. En apprenant à assembler ces lettres, on peut lire le destin individuel. Ce destin règne dans les profondeurs de la vie, et par lui l'homme s'insère dans la marche de l'évolution humaine. C'est seulement en comprenant ainsi la vie de l'individu qu'on peut comprendre l'histoire humaine, que nous étudierons dans les jours qui viennent comme étant la vie de l'humanité terrestre dans sa destinée avant et après le Mystère du Golgotha, et l'intervention de cet événement dans l'évolution de l'humanité terrestre. (...)
Rudolf Steiner
[Caractères gras ou italiques S.L.]
Note de la rédaction À NOTER: bien des conférences de Rudolf Steiner qui ont été retranscrites par des auditeurs (certes bienveillants), comportent des erreurs de transcription et des approximations, surtout au début de la première décennie du XXème siècle. Dans quasi tous les cas, les conférences n'ont pas été relues par Rudolf Steiner. Il s'agit dès lors de redoubler de prudence et d'efforts pour saisir avec sagacité les concepts mentionnés dans celles-ci. Les écrits de Rudolf Steiner sont dès lors des documents plus fiables que les retranscriptions de ses conférences. Toutefois, dans les écrits, des problèmes de traduction peuvent aussi se poser allant dans quelques cas, jusqu'à des inversions de sens ! |
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