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 « Le problème le plus important de toute la pensée humaine : Saisir l'être humain en tant qu'individualité libre, fondée en elle-même »
Vérité et Science, Rudolf Steiner

   

Citation
  • « Aussitôt qu'après la mort nous avons abandonné le corps éthérique de la manière que j'ai exposée, il se dégage de nos expériences nocturnes une évaluation morale de notre être. Nous ne pouvons faire autrement que de juger moralement ce que nous revoyons ainsi de notre vie. Les choses prennent alors une forme singulière.
    Ici-bas, sur terre, nous portons un corps composé d'os, de muscles, de vaisseaux sanguins, etc. Après la mort, un corps spirituel se constitue, formé de ce que nous valons moralement. Chez un être bon, c'est un corps moral lumineux et beau ; chez un être mauvais, il répand une lueur douteuse. Ce corps se forme pendant cette rétrospective de la vie, et ne constitue encore qu'une partie de ce qui s'agrège à nous et viendra former ce que je pourrais appeler notre « corps spirituel » ; car une partie de ce que nous recevons maintenant dans le monde spirituel se compose de nos valeurs morales; l'autre partie nous est donnée simplement comme un vêtement formé de la substance des mondes spirituels. »

    Christiana (Oslo), 17 mai 1923 – GA226

    Rudolf Steiner
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Une des raisons pour lesquelles le rythme des campagnes de dénigrement contre la biodynamie semble lié à la respiration de l'administration étatique est peut-être qu'elle n'émane pas, historiquement, de ce que Victor Hugo appelait précisément la « science d'État » – la connaissance autorisée officiellement. En ce sens, elle permet à l'agriculteur de s'émanciper de cet État, ce qui est vu d'un très mauvais œil par les représentants de celui-ci. En apparence – et en toute conscience – il en est ainsi parce que le but des fonctionnaires est de nourrir la population, et donc de fonctionnariser l'agriculture pour le bien du peuple. En réalité, il en est ainsi parce qu'il en a toujours été ainsi, parce que, en France, les agriculteurs étaient soumis aux princes auxquels, selon Grégoire de Tours, ils avaient demandé une protection en échange de leur soumission, ou de leur asservissement : l'historien du VIe siècle raconte que les Gaulois ordinaires acceptaient un statut d'esclaves en échange de la protection des Francs contre les autres barbares. L'Empire romain était tombé, seuls le peuple de Clovis inspirait à peu près confiance. Mais en échange, donc, les Francs ont exigé d'être nourris, et ont aussi exigé que soient nourris les prêtres et les commerçants, dont ils étaient proches, dont ils avaient besoin. Ainsi est née, finalement, la surveillance de l'agriculture par les fonctionnaires, car les Francs ne la faisaient pas eux-mêmes : ils la confiaient à des Gaulois romanisés. Des clercs.

Si l'instauration de la République a pu changer les lois, elle n'a pas changé les habitudes.

On attend la même chose des agriculteurs sous de nouveaux prétextes. L'avènement de la République a du reste eu comme motif, en grand partie, le désir d'apaiser les révoltes populaires en laissant des choix ; mais il demeurait indispensable de nourrir ce populaire, de remplir son estomac. Et si la biodynamie améliore bien la qualité, comme à présent c'est attesté, elle n'améliore pas particulièrement la quantité, et cela énerve les remplisseurs d'estomac que sont les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture. Ils ne sont pas convaincus, de fait, que l'estomac est mieux rempli par la biodynamie, et ils pensent qu'ils le sont moins. Donc elle les gêne, et ils n'ont pas envie, de toute façon, par instinct, par goût traditionnel du pouvoir, de laisser les agriculteurs être des chefs d'entreprise libres et autonomes, susceptibles de se lier à des labels dont la responsabilité se situe à l'étranger, hors de portée de l'État national. On en saisit la logique. Elle est toute simple.

Elle rappelle ce qui fut dit dans la Savoie du XIXe siècle par l'archevêque de Chambéry Alexis Billiet (1783-1873). Rappelons le contexte. À cette époque, la Savoie était un duché administré depuis Turin par les administrateurs du royaume de Sardaigne, bilingue et situé à cheval sur les Alpes et même la mer, puisque la Sardaigne faisait partie de l'ensemble. Il en était ainsi depuis de nombreux siècles, les rois de Sardaigne ayant commencé leur carrière seigneuriale par le titre de comtes de Savoie, à Chambéry. Si la révolution de 1789 avait rattaché la Savoie à la France sous la poussée républicaine, les défaites de Napoléon l'ont restituée au roi de Sardaigne, et sa vie culturelle a été remise entre les mains de l'Église catholique, dirigée localement par cet Alexis Billiet, homme de première importance, dont la longue vie a recouvert tout le dix-neuvième siècle. Il s'est un peu occupé de géologie, dans l'esprit de la science catholique qui alors était née, un peu dans l'esprit de Goethe et sur laquelle nous reviendrons. Mais surtout, il s'est occupé d'éducation, rôle majeur de l'Église, simplement parce que ses Pères l'avaient décrété, qu'elle devait s'en occuper même sans être payée pour cela, que cela relevait de sa mission fondamentale.

Billiet n'appartenait pas à l'aristocratie, il était issu de la paysannerie montagnarde qui accédait régulièrement à de hauts postes dans le corps ecclésiastique : tel avait été, par exemple, Pierre Favre, au XVIe siècle, premier prêtre jésuite, ami d'Ignace de Loyola et de François Xavier, et né de la paysannerie des Aravis, dans l'actuelle Haute-Savoie. Le principal titre de gloire d'Alexis Billiet était d'avoir refusé de se soumettre aux lois contraignantes de la république instaurée, pour les prêtres, et, en 1815, ce courage, ou cette folie, selon ce qu'on jugera, lui avait permis de s'installer au premier plan, dans la Savoie restaurée. Il ne fut pas un mauvais homme. Il refusa de s'exprimer contre les lois nouvelles, votées à Turin, qui donnaient aux juifs et aux protestants les mêmes droits qu'aux catholiques, comme le lui avait demandé l'archevêque de Turin. Il jugeait cette évolution inévitable. Et il n'allait guère à Rome ou à Turin : cela ne l'intéressait pas. Il restait fidèle à son duché. Il n'allait bien sûr pas non plus à Paris. Il s'opposait au rationalisme excessif du catholicisme français, même s'il souhaitait aussi éviter qu'on le heurtât par des dogmes trop fantastiques, comme était à ses yeux l'Immaculée Conception de la Vierge Marie. Il aimait la conciliation.

Et dans un rapport qu'il a écrit sur l'éducation dans la Savoie de son temps, il a insisté sur l'excellence de l'instruction primaire, notamment dans les montagnes, pour les paysans qui y vivaient et en profitaient abondamment (dont il avait lui-même profité). L'explication, disait-il, était qu'ils y étaient libres de la noblesse, demeurée dans les plaines de l'avant-pays savoyard (le long de la frontière avec la France). Organisés autour d'un curé bienveillant, ils pratiquaient une instruction qui avait une double fonction. D'une part, leur permettre de s'émanciper administrativement, en leur donnant les moyens minimaux de se représenter eux-mêmes juridiquement. D'autre part, de s'émanciper spirituellement, parce que la compréhension de l'Évangile et des prières ordinaires nécessitait forcément de l'instruction. Il condamnait, en réalité, l'instruction scientiste secondaire, qu'il disait pernicieuse et propre à corrompre les âmes, en les orientant vers les biens matériels seuls. Mais il louait l'instruction primaire, et condamnait, aussi, les nobles qui l'empêchaient pour pouvoir maintenir sous le joug les paysans de l'avant-pays. Et nous retrouvons notre biodynamie. Car les paysans des montagnes choisissaient bien sûr librement leurs méthodes agricoles.

Ils le faisaient en communion avec les prêtres, guidés par les fameux dictons et almanachs dont parlait Rudolf Steiner dans son Cours aux agriculteurs, en relation secrète avec la sagesse antique des astres que l'Église admettait pour les produits de la terre, si elle n'en voulait pas pour déterminer la destinée humaine : elle estimait que le Christ la rendait libre et qu'il « foulait aux pieds les étoiles ». Les antiques cérémonies religieuses, conjurant les forces élémentaires divines, étaient désormais des processions d'invocation à Dieu, à ses saints et à ses anges, comme l'atteste la poétesse dialectale Amélie Gex (1835-1883), qui a restitué un chant de ce type :

Fleurs de savû et roûse éin sâva
Sont mai que robans de satin ;
Noutra croaî sara la pe brâva
Qu’i vont beni demain matin !…
Quand l’êincorâ, zo se bânnieres,
Quand le portuze de lomiéres
Brâm’ront : Propitius esto !
Dièn lo z’airs qu’on varrà traluire
On êintêindra le bon Dio dire :
« Si forcha d’êmpli leur sartot !… 

(Fleurs de sureau et roses en sève
Valent mieux que rubans de satin :
Notre croix sera la plus belle
Qu’ils vont bénir demain matin !…
Quand le curé, sous ses bannières,
Quand les porteuses de lumières
Chanteront :
Propitius esto !
Dans les airs qu’on verra reluire
On entendra le bon Dieu dire :
« Je suis forcé de remplir leurs celliers !… »)

Bel enthousiasme, certainement entendu jusqu'au Ciel !

On pourrait ici aisément remplacer « Dieu » par « Cérès » ou quelque autre divinité protectrice des moissons et des récoltes. Mais il n'y avait pas les sacrifices animaux pratiqués dans l'antiquité, bien sûr. À cet égard, les prêtres catholiques restaient dans la foulée des druides antiques.

Dans les plaines de l'avant-pays, les seigneurs essayaient davantage d'imposer mécaniquement des méthodes mécanistes de production intensive, pour améliorer leurs revenus, et ne s'occupaient pas de laisser les agriculteurs choisir leurs méthodes et leurs principes théoriques d'agriculture. Ils ne s'occupaient pas non plus de leur bien-être, et il a été démontré, par le sociologue Jean Foyer, que la biodynamie y participait éminemment. Qu'ensuite la qualité y gagnait forcément, le paysan étant en communion avec son métier, sa terre et ses pratiques. Et c'est ce dont était bien conscient Alexis Billiet, et dont nous devons prendre conscience aussi. Opposer de façon simpliste des modes de régime théoriques n'explique pas les choses, si les habitudes réelles n'ont pas changé. Peu importe le sens qu'on leur donne ; ce qui compte, c'est le réel : ce qu'on fait. On peut être animé par de l'inconscient, même – ou surtout – quand on est très intelligent.

 

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